17 juin 2007

Sur la neige

La nappe blanche s’est emparée du paysage. Des traces de pas s’entremêlent, empreintes d’un passé récent. La neige achève de les estomper. J’ai le sentiment de les avoir rêvées. Autour de moi les flocons forment une symphonie, s’agencent splendidement à la nature déboisée. Tout semble maintenant se cristalliser, comme s’il ne fallait qu’une légère secousse pour casser cette fragilité. La lumière est franche.

Je poursuis mon chemin malgré l’onglée qui me crispe les doigts. J’aimerais aller le plus loin possible, jusqu’au bout de ma fatigue ; tenir, jusqu’à l’épuisement. On n’aura plus qu’à me recueillir inanimé, sans explications.
Sur le bas-côté de la route, un gitan sort de sa roulotte, le visage tuméfié, une large cicatrice sur le front, les vêtements légers malgré le froid. Il fait semblant de ne pas me remarquer. J’ai le sentiment étrange d’appartenir à son monde. Sur son visage on sent les graves périls qu’il a traversés : esprit exilé d’un autre monde qui vient errer dans celui-ci. L’étonnante route qui m’a conduit jusqu’ici ! Il m’a fallu quitter le monde pour me retrouver enfin face à moi-même. Connaître par cette rencontre mes désordres intérieurs, et apprendre à les apprivoiser. Par les liens de l’esprit, j’appartiens aux déracinés, gitans sans famille ni attaches, ni possession ni logement. Je sens se déployer leur histoire au plus profond de moi. Leurs chants nocturnes me bouleversent au suprême ; ces chants tourbillonnants, beaux et graves, qui me révèlent au-delà de ce que je puis être.


David Falkowicz
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