31 août 2007

Ebullitions - Part 5 - L'antre de Semenoff - Par Charles Letellier


Arrivant au cinquième, il fut interrompu par une voix grave et coupante : « Ok ! Maintenant, tu retournes chez toi ronronner bien gentiment, va vivre ta petite paix en charentaises et laisse-moi faire ma guerre ! Et surtout, t’oublies pas de caresser le chat, hein, tu m’entends !? T’oublie pas !? Voilà c’est ça, à bientôt… »
Lorsque Joseph mit le pied sur le palier, il tomba nez à nez avec deux globes oculaires qui firent naître en lui un profond sentiment d’angoisse. Il se trouvait nez-à-nez avec un avatar de Klaus Kinski. La perspective ne le réjouissait guère à vrai dire. Il esquissa un geste de recul qui le précipita dans l’escalier. « Wooh… ! » fit-il, s’accrochant à la rambarde qui se courba sous son poids. Il eut juste le temps d’imaginer le contact brutal de sa nuque avec les marches en contrebas et d’apercevoir une silhouette frêle disparaître précipitamment derrière une porte aux multiples serrures. Il eût juste le temps de penser : « Qu’est-ce qu’il cache pour avoir tant de serrures ? » puis sentit qu’on l’agrippait fermement par l’épaule.
- Qu’est-ce que tu fous, putain ?! lui dit Semenoff
- Dobrae outra, vieux frère…
- Ouais, ouais… Aller rentre… Je vais t’expliquer, répondit-il en martyrisant le plancher de ses 99 Kilos.
Joseph pénétra dans l’appartement de l’autre. Celui-ci très sombre avait l’allure d’un antre, du moins l’idée que l’on pouvait s’en faire. Les odeurs y étaient très fortes : celle du foutre prenait les narines pour un con et venait s’y plonger avec une impudence impudique ; celle de la transpiration se mêlait déjà avec l’odeur de ses aisselles et, derrière ces deux dominantes, le souvenir d’un graillon collant avait du mal à se faire oublier. Il régnait une atmosphère dense, écœurante, sourde. Les sens travaillaient à plein régime, s’arcs-boutants sur de vieilles réminiscences de parfums féminins. Quelques bouteilles vides jonchaient le sol, négligées, vidées de l’ivresse qu’elles avaient recélée. Joseph, désœuvré, tapa l’une d’entre elle de son pied.
La lumière du soleil, par un trou pratiqué au milieu du volet fermé, matérialisait des millions de particules poussiéreuses. En passant près de la chambre, Joseph entrevit le lit dépouillé, les draps fixés dans l’immobilité de leur moiteur moisie…
Il dit à Semenoff : « Comment peux-tu vivre dans un cloaque pareil ? » L’autre mit son masque-Kinski, une folie singulière scintillant au fond de ses yeux vitreux de la Vodka qu’il ingurgitait en esthète, avec une foie à toute épreuve. Joseph n’insista pas.
Le silence se fit entendre, perméable. Ils arrivaient dans la pièce principale, celle où tout se passait. Elle rappelait d’ailleurs un théâtre avec ses trois mètres de plafond et ses draperies épaisses et brillantes recouvrant les murs. L’odeur changea, elle aussi. L’atmosphère devint plus saine, plus tamisée. Joseph vit les pipes et les petits plateaux en argent recouvert d’une substance brune et malléable. « Opium » lui dit son instinct. Le velours rouge du divan était parsemé de petites tâches noires, cratères terrestres des innombrables résidus de Haschisch tombés des cônes allumés comme autant de comètes sporadiques. Cela sentait l’Asie, à présent. L’endroit ressemblait aux fumeries déliquescentes des anciennes colonies. Il pensa à Delacroix, à Ingres, à leurs orgies de bazar et oublia la saleté des autres pièces.
- Je ne te connaissais pas cet amour pour les opiacés…
- Tu ne devrais pas être là. Qu’est-ce que tu veux ? Tu viens d’où comme ça ? Assis toi. Vodka ? Whisky ? Eau-de-vie ?
- Non, du vin plutôt, si tu en as.
- Regarde, derrière toi, par terre.
En se tournant, Joseph trouva une bouteille de Gevrey-Chambertin posée près de la cheminée. Excellente année.
- Tu me gâtes, dis-moi…
- Quoi ? Ah, t’en fais pas, j’en ai plusieurs caisses à la cave…
- A qui tu parlais tout à l’heure ?
- Hein ? C’est mon voisin, une espèce d’abruti en peignoir et charentaises. Une couille-molle de la plus belle race ! il ne me supporte plus. D’ailleurs, plus personne ne me supporte encore ici. Remarque ça tombe bien parce que je commence à en avoir ma claque de tous ces parisiens merdeux ! Tellement les uns sur les autres ! Y partouzent malgré eux, t’imagine ! Y m’font penser aux phoques du Pier 39 de San Francisco. Tu connais ? Non, ça m’étonne pas, tu connais rien ! Et je peux te dire que ça puait sec ! Sans parler du bruit ! Nom de Dieu, y font plus de bouquant qu’un mec que t’étripe au couteau et je sais de quoi je parle… »
Semenoff… Un tiers de mensonge, un tiers d’invention, un tiers de souvenir… Le tout appuyé par des mains de cuir, sans scrupules. Mais ses yeux étaient capables d’au moins un tiers de ses contres vérités alors Joseph écoutait, au cas où. Il ne savait jamais vraiment comment le prendre. Tout dépendait de l’humeur de son ami. Et il en savait suffisamment sur le passé de celui-ci pour ne pas prendre tout à fait à la légère ce genre de déclaration.
La bouteille fut vite ouverte, un carafon de liquide translucide et glacé, sorti. Deux verres différents. L’un vaste et retroussé vers le haut accueillit le grand cru de Bourgogne ; l’autre, petit et orné de motif étrange, gela au contact de la vodka. En cristal tous les deux. Joseph, rapidement happé par ses pensées, admira un instant les tranchées encore pleines de copeaux creusées dans le plancher. « Bagarres récentes ? » laissa-t-il échapper tout haut.
- Tu te fous de ma gueule ? lâcha Semenoff, le front plissé, en le regardant bien droit.
- Pardon… ?
- Dis-donc tu veux que j’te rappelle le bordel que t’as foutu ici avant-hier ?
- Ah… Quoi ? J’étais là ? Ici ? Avant-hier ? Peut-être, oui… Je ne sais plus.
Joseph fouilla rapidement son esprit qu’entortillaient les alcools, les mots et le manque de sommeil. « Y a deux jours ?… C’était quand ? » Aucune notion de temps ne persistait en lui. Il se devait de se rappeler le chemin parcouru dans l’antiquité de ses jours, poussé par une force mystérieuse qui le projetait à l’avant de ses émotions. Il était amnésique momentané, ne gardait en mémoire que les beautés et les victoires. Les principes et les consignes de la « bonne vie » n’avaient jamais trouvé un terreau favorable au sein de la furie primitive et primordiale qui était la seule et unique patrie dans laquelle il parvenait à trouver un sens à ce qui semblait ne plus en avoir.
- Ouais, y a deux jours ! Toi, Ava, Moraline et moi. Ici. Tu te rappelles de rien ? Mais tu déconnes ou quoi? Tu veux que je m’énerve ?… On était là, assez gentiment, les gosiers un peu éprouvés c’est clair, mais on parlait en riant, à la limite du delirium franc, berceau de l’ivresse véritable… Moraline à commencer à parler de yoga, elle a commencé à raconter sérieusement que, soi-disant, elle ne dormait que vingt minutes par nuit, qu’elle parvenait même à faire de la lévitation… Elle a continué en parlant de philosophie indienne, commencé à affirmer qu’elle connaissait tout ça par cœur, qu’elle savait… Et toi, tu disais rien, bizarrement. T’enchaînais les verres de la table à ta bouche et tu descendais, descendais, descendais… T’ouvrais les bouteilles avec le sombre regard de celui qui ne demande qu’un prétexte pour frapper ou maudire. Mon vieux, j’en ai connu des picolleurs mais je peux te dire que t’as bu, ce soir-là, comme rarement j’ai vu faire quelqu’un. Et rien ! Aussi statique et inquiétant qu’une statue éclairée à la torche dans une ruelle de Kathmandou, un calme blanc, un calme trop calme pour être rassurant. Bon, moi je m’en fous, j’ai pas beaucoup de respect pour la greluche de toute façon. C’est pas ça. Au contraire, je préfère quand y a un peu d’animation …
Il laissa sa phrase en suspend, attrapa un briquet rouge à mèche sur la table et alluma un cône trop fin pour ses doigts d’ancien zek. Il expira la première bouffée en plissant les yeux puis continua.
- Je sentais bien que je ne pourrai pas te contrôler en cas d’esclandre. J’aurai dû plus me méfier, peut-être… Si t’as fait ça ce soir-là, ça te regarde. Tu devais avoir tes raisons. Mais ce que tu lui as dit… Diable, j’aimerai pas être ton ennemi si un jour, tu pètes un plomb contre moi ! Même si j’ai d’autres armes que tes mots… Infaillible dans la cruauté ! Bravo !
- Mais quoi à la fin ?! s’emporta Joseph. Puisque je te dis que je ne m’en rappelle plus ! De quoi ? J’lui ai dit ce que je pensais, c’est ça ? J’lui ai dit tout le bien que je pensais de ses putains de petites théories et de ses gros mensonges, tellement énormes que les tiens passent pour de saines vérités à côté ? Tant mieux, aucun regret malgré aucun souvenir. Je ne m’embête pas avec la politesse ou le tact, tu le sais bien. Je ne suis pas là pour prendre des pincettes et ce n’est pas toi avec ton voisin qui va me faire la leçon. Si les gens sont capables d’encaisser et de me répondre, je les respecte, s’ils se mettent à trembler en n’assumant rien de ce qu’ils ont dit alors je les assassine jusqu’au bout, je les plonge dans leur merde afin qu’ils sentent bien qu’ils s’y trouvent vraiment. Tu comprends ?
- Ouais, ouais, ouais… T’es vraiment un sale con des fois.
- Tout le plaisir est pour moi.
- La gamine a pas dû s’en remettre depuis. Je t’aurai jamais cru aussi fin… Tu m’as quand même foutu la trouille ! Tiens jette un coup d’œil, l’amnésique…
Il jeta à la tête de Joseph un polo bleu qu’il reconnut comme familier. Il le déplia pour découvrir que celui-ci était déchiré de l’échancrure jusqu’au bas. Arraché en diable…
- Tu t’es levé d’un coup. Furieux avec une folie brune dans le regard, comme si tu ne comprenais plus rien de ce qui se passait. La petite venait d’avouer qu’elle ne savait même pas situer l’Inde sur une carte. T’as versé la tête en arrière, ri en écartant les yeux, attrapé les deux bords de ton col et déchiré ton putain de polo en deux ! Déjà, ça a mis un léger blanc dans la conversation. Et puis t’as enchaîné… Semenoff riait à présent, la malice dans le regard. Tu veux que je te raconte ? Attends, je crois même que j’ai pu enregistrer ta petite tirade…
Semenoff se dirigea vers le meuble où trônait sa chaîne Hi-fi, engagea une cassette dans le lecteur et appuya sur un bouton…
A suivre...

8 août 2007

Ebullitions ou la démesure du réel - Part 4 - Par Charles Letellier

Joseph arrivait maintenant au centre de la ville. Il était lui-même en son épicentre, guettant les syncopes du sismographe de son cœur. Traversant le fleuve, le ciel se dégagea soudainement, laissant percer un rayon de soleil, fantastique trait, immensément léger et puissant. Comme s’il se fut s’agit d’un adoubement, il ferma les yeux, sourit et entama un chant au voyage, à l’air frais du vent et à l’astre de feu qui venait de lui faire signe. « Drive me to Portugal, drive me to Spain… »
Il repensa aux phrases de toute à l’heure qu’il connaissait sans savoir d’où elles venaient. Que disent-elles déjà ? « Peut-être que j’irai en Inde ; peut-être en Russie… » Elles ressemblaient à un défi lancé au ciel, à la Terre et à tous les hommes. Elles disaient : « Moi ! je le ferai ! Sans peur, sans détourner les yeux ! » Malgré le « peut-être » du début, elles étaient empreintes d’une certitude sourde, enfouie, que l’auteur même ne semblait pas connaître – ou qu’il se foutait de connaître… « Peut-être que le Tibet m’ouvrira ses portes… » Joseph imagina alors une vaste pièce, un palais sans portes, des plafonds en coupole avec des lustres gigantesques. Il décida d’y ajouter de grandes fenêtres dessinant, à l’arrière, une ville basse aux toits plats. Il s’interrogea aussitôt : « De quelles régions de mon cerveau cette vision vient-elle ? » Il chercha un moment, en profitant pour rajouter ici un immense tapis à dominante rouge, là un large foyer résolument rougeoyant. Un éclair le frappa soudain bien que le ciel fût totalement serein au-dessus de sa tête…
C’était il y a une semaine. Macha l’avait tiré d’un rêve similaire. Il l’avait alors regardé, hébété par la force des odeurs et des visions qu’il avait eues et, malgré les mains de Macha, félines, qui fouillaient son entrejambe, il s’était précipité à sa table afin d’en esquisser les contours qui déjà s’échappaient à son souvenir.
« … et que je galoperai dans les steppes mongoles en hurlant... » Un sourire se dessina par réflexe sur ses lèvres. Il voyait très bien les paysages que ces lignes décrivaient. Vaste contrée épinglée de bouleaux, de neige, de tigres, l’odeur moite de la vapeur, le Russian spirit… Lui-même originaire de l’Amour, ses veines drainaient encore les molécules d’oxygènes dont il s’était repu gamin. Coincé entre un océan et un continent, entre une immensité pacifique et de gigantesques regards, il avait dû partir lui aussi, de nuit et sans regret. Il continua « … en hurlant de toutes mes tripes que j’aime à en crever et que je suis en vie. » Il ramena ses sourcils dans l’interstice poilu où commençait son nez, décocha un regard provocateur au soleil et fit : « Ah ! Ah ! » en regardant bien droit dans les yeux un homme à l’apparence banal qui croisait son chemin. Celui-ci eut le réflexe occidental de faire un bond apeuré en arrière, croyant sincèrement que Joseph allait lui sauter à la gorge. Il sourit et rit aussitôt en disant : « Pardon ! N’ayez pas peur, j’vais rien vous faire ! » L’autre s’éloigna en pestant timidement, plus que jamais convaincu de la fragilité mentale de ses congénères. Joseph ria de plus belle, encore plus fort, « Le bon petit soldat… » pensa-t-il un sourire, désormais mauvais aux lèvres.
Il décida sur le champ de payer une visite à Semenoff, le géant Kirghize adepte de la roulette à une balle, qui habitait à la frontière de la Jungle, là-haut. Pour fêter cette décision d’avec lui-même, il poursuivit le chant qu’il avait interrompu plus tôt. « … I know a treasure is waiting for me, Silver and gold and the mountains of Spain… » Il remonta avec une joyeuse fureur le Sébastopol, arriva à République, prit à gauche en direction de la Trinité puis trotta voluptueusement à travers ces ruelles du neuvième, belles et pudiques, encore vierges des désordres libéraux aspergeant, par ailleurs, les trottoirs amidonnés de Paris.
Arrivé en bas de l’immeuble, il fût pris d’un doute et vérifia que sa petite fiole en cuir se trouvait bien dans son sac. Il composa le digicode de la porte, pestant férocement contre la sécurité tatillonne, prudente et totalitaire dans laquelle Paris, et toutes les autres villes démoglobines, s’enfonçait comme dans une bouillasse, puante d’un intenable bonheur souverain et de kermesses à bons sentiments. Il pensa : « L’Intérieur devrait être bientôt rebaptisé Ministère de la Prudence. On supprime tout le danger du vivre, délimitant ainsi en contours de béton et de barbelés les espaces où pourront s’exercer nos désirs, relégués à l’arrière-train du train-train quotidien, virus ultime de notre temps soumis aux huiles essentielles, aux voyages organisés de la pensée et à cette intolérable mascarade de liberté… Statistiques à l’appui de la saine vie – Bio, sans sucre, sans sel, sans alcool, sans fumée, sans fumier ! C’est ça ! Nous voulons passer du stade bestiale où les entrailles saignent à celui minéral où, équipés d’épurateur d’eau et de masque à oxygène, nous vivrons de capsule de protéines, de glucide et de lipides, sans saveur, juste ce qui est « bon » pour nous. C’est-à-dire en faisant du corps, le reflet aseptisé de nos peurs et de notre avarice à vivre nos vices jusqu’au bout ! Le corps apprend par la force, par la violence de la sommation qui lui est faite de se surpasser. C'est son langage. Le danger se situe là, dans le fait avachit de dégouliner grassement dans un fauteuil trop parfaitement confortable. Le vrai danger bien-sûr. Le seul vrai danger réside dans la psyché laminée, dans l'endormissement accablé de la conscience, dans le bien-être croupissant où s'affale les possibilités de soulèvement. L’ensevelissement du corps sous des tonnes de préceptes et de lois physiques ou gouvernementales visant plus à maintenir à l’état larvaire la capacité de dépassement contenue dans chaque homme que de prévenir médicalement d’hypothétiques « morts longues et douloureuses ». Vivre dans tout et pas seulement dans l’excès ! L’excès peut se faire prison aussi bien qu’il permet d’exploser les cloisons… Alors oui, vivre excessivement ! Vivre physiquement, mentalement, spirituellement, sexuellement excessif ! Il ne s’agit pas de refuser quoique se soit ! Tout le contraire, il s’agit d’apporter une réponse démesurée à toutes les questions d’allures mesurées. Contrecarrer la méchanceté, le manque des jours en les abreuvant de pensées, de désirs, de volontés extrêmes. Pensées, désirs, volontés lacrymogènes, sul-furieuses, entières à ce point qu'elles remplissent les secondes d'instant d'éternité ! et souffrir pour connaître la joie… Voilà une démarche dangereuse, précisément… Voilà la véritable aventure, l'ultime révolution… Repousser dans leurs extrémités même, les narco-pensées qui stagnent dans le milieu convenu des orthodoxies subversives. Eventrer les ventres ronds des pensées grasses et molles et flasques. Verser de la poudre brûlante dans l'âtre satisfait, dans le bocal raisonnable où s'agitent, en caracolant, de pâles copies inconscientes. C’est vrai, oui, plusieurs y sont restés fous, à jamais ailleurs, dans leur obsession de vouloir cartographier les cratères et les corniches de l’âme… Et en cela sans doute, ont-ils échoués. Mais sommes-nous bien vivant lorsque nous ne risquons rien ? Boire, marcher, nager, parler, fumer, manger, partir, revenir, sentir, pouvoir, abolir, retenir, punir, souffrir, agir, bondir, sortir, jaillir, rebondir, assaillir, s’enorgueillir, ressentir, découvrir, contenir, laisser grandir… Boire en marchant ; nager, parlant fumer ; manger les « partir » ; revenir sentant pouvoir abolir ; retenir, punir en souffrant, en agissant, bondissant en sorties jaillissantes ; rebondir en assaillant les orgueils ressentis ; découvrir, contenir tous les « laissés-grandir » !… Voilà ! La vie vaut par son intensité, pas par sa longueur, hein M’sieur Magre ! Il faut savoir conjuguer Bon Dieu !
Tyrannie de l'argent, vestiges rénovés, agrandis, parfumés, roses, du pétainisme nostalgique des Français ! Eh oui, le Maréchal a gagné et bien gagné… Le brave homme était trop en avance sur son temps ! En 45, y l’ont pas compris ! C’est aujourd’hui qu’il gagne ! Lettres de cachet avec accusé de réception, pour les gêneurs qui osent se coucher après 22h00. Utilisation des lexiques législatifs grandiloquent par de fallacieux proxénètes de la rhétorique qui jettent sur le trottoir les plus vieilles reliques de leur bordel verbal : « Amour », « Liberté », « Courage »… Tolérance ? Mot tiroir qui en dit long sur l'ambiguïté morbide que notre époque lui donne. Tolérance envers ce monde-ci? Tolérance envers ça? La tolérance m'est devenue étrangère depuis que le regard des autres s'imprègne de mépris à la vision de ma fantastique rage de conquérir, qui est mon état normal. Ressentiment terrible capable de venir à bout de bien des volontés. Devrai-je m’exiler, baisser la tête et admonester mes instincts pour tant d'impudeur? Les accuser publiquement d'hérésie à la Raison et à la norme-alitée? « Haro sur le Baudet ! » Voilà ! Magnifique ! Que les médiocres se rassurent quand à leur propre insuffisance et qu'ils continuent à jeter leur gravier inodore dans le dos de ceux qui "sortent du rang" et qui les indisposent précisément parce que c’est leur reflet brisé d’enfant mort à la guerre du bien-être qu'ils lapident petitement, incapable même dans la haine d'une quelconque grandeur…
Voilà où mène ces illogismes à la vie et à la tolérance… Moi qui me sait être unique, qui en ait conscience, je suis attaqué, injurié en permanence par cette race humaine, par ces millions de fidèles, de « membres », de redevables (Ah !) qui se frappent le poitrail, d’un même geste, en psalmodiant la même ritournelle mensongère, le même hymne grégaire à l'amour de l'aliénation, en costard, casquette, kippa, turban ou toge, aucune différence ! Devrai-je attaquer l’humanité entière, comme elle m’accuse tous les jours de vouloir être plus que cette moyenne funeste ?! »


A suivre...