10 septembre 2009

Si vous croyez que c'est facile...

Où l'on savoure cette courte intervention de Desproges. Rouin, rouin...

16 janvier 2009

Pas le même métier...

Article piqué sur le site du STALKER. C'est assez édifiant quant à la place que la société réserve au mot. Si on parle bien d'écrivain, là, c'est certain que l'on ne fait pas le même métier...

«Que révèle le cru 2008 ? «Marc Levy reste numéro un, mais il est talonné par Guillaume Musso», commente Alice Cousin Crespel, analyste marketing au sein du cabinet d'études GfK, avec lequel nous avons réalisé ce palmarès. Elle ajoute : «Katherine Pancol fait une entrée remarquée et prend la sixième place, juste derrière Amélie Nothomb, une habituée du classement.» Une aubaine pour Albin Michel : Pancol et Nothomb appartiennent à cette maison d'édition, qui compte deux autres auteurs classés parmi les dix romanciers qui vendent le plus de livres, Bernard Werber et Éric-Emmanuel Schmitt. Signalons que Maxime Chattam, lui aussi auteur chez Albin Michel, arrivé en neuvième position l'année dernière, rate cette année la dixième place pour quelques milliers d'exemplaires.[...]À lui tout seul, Marc Levy réalise 17,7 millions d'euros de chiffre d'affaires; Anna Gavalda atteint 15,4 millions d'euros et Guillaume Musso dépasse les 13 millions d'euros. Autant dire que ces plumes ont des chiffres d'affaires que bien des PME rêveraient d'atteindre. Bien évidemment, ces sommes ne vont pas dans la poche des auteurs, loin s'en faut : un tiers revient aux libraires, près de la moitié est consacré à l'impression, à la diffusion et à la distribution. Il reste pour le romancier entre 12 et 14 % (selon les termes du contrat signé avec son éditeur) du prix public du livre en édition courante (et beaucoup moins quand il s'agit d'une édition de poche).»
Intégralité de l'article ICI.

12 janvier 2009

Aventure Ananda

Je mets en ligne cette petite liste de toutes celles et ceux qui ont participé aux textes et illustrations d'ANANDA; merci à tout le monde.


Anne Archet cultive l'impertinence avec une volupté et un goût certain. A visiter, ses coquins cahiers qui valent le détour. (http://archet.net/index.php).

Thibault Balahy est né à St Etienne. Il dessine depuis que se sont rencontrés sa main, son œil et son cœur (c’est-à-dire depuis vachement longtemps). En décembre 2006, il crée les carnets de Monsieur B, un blog où il montre les différentes facettes graphiques de son travaille. (
http://misterb.canalblog.com/).

Lionel Blot, immense tour de raffinement qui penche les soirs de tempête. Il pourrait vivre uniquement de grands bordeaux et des Mémoires de Casanova. Heureusement que le rédacteur en chef d'Ananda le poursuit consciencieusement de ses invectives inspirées. Il vit à Paris où il a déjà écrit un roman, Noces, dont aucun éditeur n'a encore compris la valeur supérieure.

Yann Caudal, « Massif central au sommet dégarni par endroit », Caudal est une espèce rare, capable de fulminer des heures durant en constatant que la cédille de Montluçon n’a toujours pas été ajoutée sur le panneau de la gare du même nom. Comédien et auteur de chanson de tous les jours, son jour viendra…

Farid Chettouh
, poète Kabyle, grand amoureux de Paris. Il vient de publier une plaquette aux éditions des Silves (www.silves-editions.com/catalogue.html)

Philippe Cohen, titi montmartrois élevé au sirop de la rue du 18ième. Il a écrit un recueil de poésie et travaille régulièrement pour le cinéma et le théâtre.

David Falkowicz, errant intempestif, dénué de pitié pour tout ce qui concerne de prés ou de loin la clique dirigeante des lettres françaises. Il habite le Nord où le froid régnant offre un superbe contraste avec son incandescence naturelle. (Retrouvez Falkowicz sur
www.myspace.com/espinossa)

Hubert Hovasse est un bloc de granit dont l'esprit est capable d'arpenter les plus rudes pentes de l'esprit humain. Il travaille par ailleurs en tant que guérisseur dans l'acception ancestrale du mot. Il vit en pleine forêt dans une cabane en bois. Sa barbe, aux dernières nouvelles, atteindrait presque la taille du mètre.

Charles Letellier
, après quelques années passées à arpenter la terre (Amazonie, Inde, Kenya, Chine, Mongolie, Tibet et Népal en passant par la grande Russie), il revient à Paris et s'assoie un peu, il a une crampe au mollet droit. Depuis, il ne cesse de vitupérer à l'encontre de la tiédeur ambiante et des charlatans qui pullulent. Pour que son cri prennent forme et sens, il fonde Ananda en Mars 2006 et le blog Ananda Spirit (http://anandaspirit.blogspot.com/) en janvier 2007. Il a écrit un roman, un conte philosophique, plusieurs nouvelles et, dernièrement, Des Mots et Des Roches, comme des "fragments de géologie verbale" où s’articulent les fondations pour une écriture tellurique. Il recherche actuellement un éditeur pour ce dernier texte.

Natalie Rafale écrit des livres pour enfant et vit (presque) dans les bois. Elle travaille actuellement à l'adaptation sur scène d'un de ses textes, ferme les yeux et regarde.

Nathalie Rousset, blonde vénitienne ayant parfois l'allure d'une tornade rousse. Dans l'âtre de ses textes nous nous retrouvons parfois comme dans une allure déjantée où les fausses-couches sont hommes, et les inspirations organes, constituant l'enveloppe extérieure des idées vertébrées. A part ça, elle aime le rugby! Allez savoir…

8 janvier 2009

Pour tous ceux "qui ne se résignent pas au désastre en cours". Lettre ouverte d'un des "Neuf du Tarnac"

Salut à tous,

C’est après trois semaines de décompression et un temps de réflexion, de lecture intensive de tout ce qui s’est dit sur cette affaire pendant que nous étions au trou, que j’entame l’écriture de cette lettre. Je suis sorti de Fresnes voilà un peu plus de trois semaines maintenant, un peu déboussolé. Je ne m’attendais plus à être libéré aussi vite devant ce qui semblait être un traquenard si bien orchestré. Retrouver l’air du dehors et l’horizon du monde ont bien sûr été un grand soulagement, on s’habitue si vite à voir son existence bornée par des murs et des grilles, qu’il semble que ça fait des siècles quand bien même ça ne fait au fond que 2 ou 3 semaines. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui se sont démenés pour nous sortir de là. Je suis sûr que malgré tout l’arbitraire qui entoure les décisions de justice, cette pression nourrie par les comités, les parents, amis et tous ceux qui ont senti à raison que cette affaire les concernait au plus près a eu un effet conséquent. J’aurais aimé pouvoir le faire d’une seule voix avec mes camarades co-inculpés mais comme vous le savez il nous est interdit de rentrer en contact d’une quelconque manière sous peine notamment de retourner en prison. Mais je suis hanté d’une certitude : cette libération relève d’une « chance » inespérée, chance qui remonte à loin, celle d’une part d’être né blanc, d’avoir eu l’opportunité d’être diplômé, d’avoir des parents et des amis issus de cercles « privilégiés » dont la mobilisation a sans nul doute plus de chance d’être entendue que si j’étais né ailleurs et dans un autre milieu. Je suis hanté bien sûr par le fait que deux de mes amis et camarades soient toujours incarcérés pour des motifs aussi rocambolesques, mais aussi par la pensée que des centaines d’autres personnes croisées notamment au cours de ma courte détention n’ont jamais eu cette « chance » et pour cause. Les prisons françaises ont englouti au cours des dernières années toute une frange de la jeunesse de ce pays, cette frange jugée inassimilable, sans cesse harcelée, toujours « déjà condamnée » et qui refuse toujours de rentrer dans les rangs étouffoirs de cette société. Un fait saute aux yeux quand on fréquente les cours de prison, une très claire majorité de détenus est composée par des jeunes des quartiers populaires, dont certains ont été abonnés aux séjours en prison. On remarque aussi le nombre effarant de personnes détenues, pour des périodes souvent très longues, sous le régime de la détention provisoire, régime dit « exceptionnel ». 6 mois, 9 mois, 1 an, 2 ans, 3 ans, sans procès et bien souvent sans preuve tangible. C’est qu’il est sans doute plus compliqué d’avoir des ‘témoignages de moralité’, des garanties de représentation recevables quant on vient de Villiers-le-Bel, Aubervilliers ou Bagneux, quand vos parents sont considérés comme étrangers, qu’ils ne maîtrisent pas la langue des magistrats et des media ou quand ils ne justifient pas d’une activité professionnelle stable et surtout reconnue. Pas de misérabilisme toutefois, la solidarité se forge aussi derrière les murs des prisons, la politique pénale de ce gouvernement est en train de fabriquer une bombe à retardement. Plus on bourrera jusqu’à la gueule les geôles de ce pays, plus des destins vont s’y croiser et dresser des ponts entre tous ces milieux si savamment séparés à l’extérieur. Le rapprochement entre les traitements politiques, policiers et médiatiques (cette triade tend à devenir une expression consacrée, peut être faudrait-il penser à les fusionner officiellement !), de l’affaire de Tarnac et celle de Villiers-Le-Bel l’année dernière est pertinente à plus d’un titre… Novembre 2005 (Clichy sous Bois), CPE, élection présidentielle, Villiers-le-Bel, LRU, … deux parties de la jeunesse que tout a priori oppose, nourrissent conjointement la paranoïa du pouvoir. La réponse ne se fait pas attendre et prend les même traits. D’un côté « lutte contre le règne des bandes » pour justifier la répression dans les quartiers après les émeutes, de l’autre, fabrication de toutes pièces d’une « mouvance anarcho-autonome », de « groupuscules d’ultra-gauche », comme repoussoirs à la révolte diffuse qui essaime au fil des mouvements de la jeunesse étudiante ou « précaire ». Dans les deux cas, une politique de communication de longue haleine pour dessiner les contours de « l’ennemi intérieur », qui débouche bruyamment sur des opérations coup de poing sur-médiatisées. Démonstrations de force démesurées, curées médiatiques, embastillements purs et simples. Faut-il le rappeler, outre les inculpés et incarcérés multiples de novembre 2005, cinq personnes sont toujours incarcérées après le coup de filet de Villiers-le-Bel et attendent un procès qui ne vient pas, faute de preuves. Aujourd’hui c’est notre tour, mais la chasse aux dits « anarcho-autonomes » est ouverte depuis plus d’un an, six personnes au moins ont déjà été interpellées et entendues devant les juridictions anti-terroristes depuis décembre 2007 pour des faits ou des suspicions qui n’avaient jamais relevé d’un tel régime juridique jusque là. L’étau se resserre et tous les coups semblent désormais permis. Il a déjà été développé largement dans les communiqués des comités de soutien à quel point le recours aux outils de l’anti-terrorisme représente un glissement significatif des procédés de gouvernement et de la « gestion » de la contestation. Des scénarii déjà vus dans plusieurs pays au cours des dernières années (USA, Royaume-Uni, Allemagne, Italie…) débarquent avec fracas en France et signent l’entrée dans un régime où l’exception devient la règle. Ces procédures n’ont la plupart du temps rien à voir avec le « terrorisme » et ce quelle que soit la définition qu’on en donne, elle répondent à la logique millénaire de « en réprimer un pour en apeurer cent ». En d’autres temps on en aurait pendu « quelques-uns » à l’entrée de la ville, pour l’exemple. Dans notre cas, il est très vite apparu que « l’affaire des sabotages de la SNCF » n’était qu’un prétexte opportun pour déployer au grand jour une opération de communication et de « neutralisation préventive » prévue de longue date (depuis l’arrivée de MAM au ministère de l’intérieur). La rapidité de la mise en branle de « l’opération Taïga » et l’absence quasi totale d’éléments matériels au dossier, même après les perquisitions et les interrogatoires croisés, dévoile très vite à qui n’est pas occupé à hurler avec les loups, la grossièreté du montage policier. Il aura pourtant été fait de sévères efforts d’assaisonnement de cette histoire un peu fadasse, un « groupuscule en rupture de ban et s’adonnant à la clandestinité », un « chef incontesté », son « bras droit », ses « lieutenants », des « relations amicales » ménagées dans le village par « pure stratégie ». Mais rien n’y fait les gens croient définitivement et heureusement plus « à ce qu’ils vivent qu’à ce qu’ils voient à la télé ». Une fois répondu pour chacun à la question de sa participation ou non aux « actes de dégradation » sur les caténaires de la SNCF, reste cet immense gloubi-boulga qu’est l’accusation de « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». C’est d’ailleurs le seul chef d’accusation qui pèse sur la plupart des inculpés dont moi-même. Ce chef d’inculpation repose sur un faisceau d’informations et d’hypothèses disparates, réunies par les services de renseignement, mais que seule une prose policière pour le moins imaginative permet d’articuler entre elles d’une manière aussi unilatérale. Les liens d’amitié, politiques chacun à leur manière, deviennent sans l’ombre d’un doute des affiliations organisationnelles voire hiérarchiques. On fait d’une série de rencontres, de la participation de quelques uns à des manifestations, de la présence de certains autres relevée au cours des mouvements sociaux qui ont émaillé les dernières années, les présages de la raison d’être strictement ‘politique’ (au sens le plus classique et plat du terme) d’un « groupe » identifiable et isolable comme « cellule » (cancéreuse ?). Cela est une contre vérité absolue et détermine un certain nombre de contre-sens vis à vis de ce dont nous avons été diversement porteurs au fil des années. Le délit « d’association » permet d’englober d’un seul coup l’entièreté de l’existence des personnes visées et tout peut y devenir un élément à charge : lectures, langues parlées, savoir-faire, relations à l’étranger, mobilité, absence de téléphone portable, rupture avec son ‘plan de carrière’ où avec son extraction sociale, vie amoureuse et j’en passe. L’utilisation de ces outils « antiterroristes » n’est finalement rien d’autre que l’indice de l’agressivité propre à tout pouvoir qui se sait de toutes parts menacé. Il ne s’agit pas tant de s’en indigner. Il s’agit en tout cas de ne pas, ou plus, être dupe de cette opération de police politique. Elle n’est que la tentative, des tenants du pouvoir, de communiquer au « corps social » leur propre paranoïa, qui, elle, n’est peut être pas totalement sans fondement. On parle beaucoup autour de cette affaire de l’essai intitulé « L’insurrection qui vient » et tout le monde y va de son hypothèse pour dire QUI est derrière cette signature qu’est le « comité invisible ». Cette question n’est intéressante que d’un point de vue strictement policier. Le choix éditorial d’anonymat qui a été fait doit être entendu, à mon avis, non comme une particulière paranoïa des auteurs (même si elle se trouverait aujourd’hui cent fois justifiée) mais par l’attachement à une parole essentiellement collective. Non pas la parole d’un collectif d’auteurs qu’on pourrait dénombrer, mais une parole qui s’est forgée dans les aléas d’un mouvement où la pensée ne saurait plus être attribuée à tel ou tel en tant qu’auteur. Ce livre suscite beaucoup de désaccords, voire de réprobation y compris parmi nous qui avons pourtant fait l’effort de le lire et le comprendre. Il me semble que c’est l’objet même de l’écriture politique : mettre ce qui demande a être débattu sans délai au centre, le rendre incontournable, quitte à être cru et sans nuance. Tous ceux qui, par ailleurs, prétendent savoir QUI est l’auteur de ce livre mentent purement et simplement ou prennent leur hypothèse pour la réalité. Les « lectures » récentes de ce livre, notamment celle de la police et de quelques criminologues de salon posent à beaucoup la question de la « radicalité ». Cette « radicalité » nous est renvoyée à nous comme trait d’identité, voir comme chef d’inculpation qui ne dit pas son nom. Je ne me sens pas particulièrement radical, au sens d’être prêt à accorder les constats, les pensées et les actes (ce que plus personne ne fait malheureusement et depuis longtemps). Par contre la situation est radicale et l’est de plus en plus. Elle détermine des mouvements de radicalisation diffus, qui ne doivent rien à quelque groupuscule que ce soit. Chaque jour dans mon activité d’épicier notamment ou quand je sers au bistrot, ou bien encore quand j’étais en prison, je discute, j’écoute ce qui se dit, se pense, se ressent, et je me sens parfois bien modéré face à la colère qui monte un peu partout. Ce gouvernement a sans doute raison d’avoir peur que la situation sociale lui échappe, mais nous ne servirons pas sa campagne de terreur préventive, car le vent tourne déjà. Il vient de Méditerranée. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, de doutes à lever, de manipulations à déjouer, mais tout ça ne fait que commencer. Ainsi ma position est en phase avec celle des comités de soutien qui fleurissent un peu partout : abandon des charges de « entreprise terroriste » et « d’association de malfaiteurs », libération immédiate de Julien et Yldune et de tous ceux et celles qui sont incarcérés à ce titre, pour commencer… Viendra le moment où on devra bien nous rendre des comptes pour le préjudice énorme qu’on nous a fait subir, à nous, à Tarnac, mais aussi pour ce qui n’est qu’une provocation supplémentaire à l’encontre de tout ce qui ne se résigne pas au désastre en cours.

Benjamin, épicier-terroriste

La Masse en mouvement (Des Mots et des Roches) par Charles Letellier.

La Masse en mouvement.

La nuit d'hiver était tombée, comme un couperet.
Le corps s'était alors redressé, en éclosion nocturne. L'appel anonyme des hordes avait pris possession de ses entrailles. Le cycle de l'écriture prenait forme dans l'entrechoquement de visions. La mort, déjouée par le Verbe, se débattait au milieu d'une vie lancée au galop, haletante, frénétique, en charge contre l'ensemble des codes, contre l'étendue de l'asservissement.

Masse Mylonite est dans la rue, la raison titubante. Le corps a perdu de sa lourdeur matinale. Le pas est ferme, les yeux, hagards, en appétences. Les rues tantôt désertes, tantôt pleines de la faune outrancière de la nuit, miroitaient sous ses pas. La cadence était extrêmement rapide, débordante de rythme, l'écrasement du bitume se faisait marche martiale, triomphante désespérée, soutenue par un concerto du Russe Rachmaninov, le troisième. Masse Mylonite s'ébroue, sa force, son aura se démultiplie à mesure qu'elle frappe le sol, comme des tremblements qui appellent la démence. La démence de se voir si vrai, si pure malgré la rigueur qu'il mettait à détruire systématiquement les traces de son temps en lui. Systématiquement à digérer. Ses pas déploient des vibrations dont le sens est : "Toujours plus loin, derrière les tombes!" Les vibrations semblent s'accrocher aux passants muets, sourds, aveugles, bassement ivres, médiocrement méchants. Des mots viennent recouvrir tout ça, des mots abrupts du Sens de l'origine de leur course. Ce sont les vétérans des nombreuses guerres menées pour la conquête du territoire intérieur. Masse Mylonite en est l‘empereur. Empire intérieur comme conquête primordiale. Il se trouve au sommet d'un tas de monstres gigantesques, outrageant la foule de ses furies, l'abreuvant du sang des blessures de ses mots. Masse pourtant ne dit mot, l'ostentation vient de l'intérieur, sans fracas. Le foyer est fragile qui annonce le brasier.

Les rues brillent d'un drôle d'éclat alors qu'Elle tourne sur le boulevard, à la recherche de l'Idiot. La Lune est pleine et irradie le ciel de rayons glacials. Le froid est humide, perçant. Des couches immenses de tôles, en sur-matière métaphore, s'étalent affreusement sur le bord de la route. Des poubelles sont éventrées, l'ordure de leurs entrailles se répand sur les trottoirs. Un chien squelettique disparaît au coin d'une rue. Un autre aboie dans le lointain. Il continue la cadence infernale. Frappe, frappe, frappe. Avance, roule, bolide de sens. Mylonite broie sa vie petite par les divulgations dont son corps se fait le messager. Violence subie et émise par son corps. Frappe Rachmaninov, frappe Beethoven. Frappe la vie en diamants, non en névroses. Un coup à droite, un à gauche, Masse Mylonite se rapproche de l'Idiot. Il n'a plus de poids. Son rythme l'emporte en tornade. La verve de sa démarche provoque les à-coups de sa respiration. Saccadanse respire dans Masse Mylonite. Il a nommé chacun des phénomènes de son corps. Saccadanse, sa respiration, Rythmofracto, ses jambes, bâfre-en-rut, sa bouche, vitscérale son pénis, cardinale, le point du corps de la femme où coule sa liqueur séminale.
Il est une tribu indienne ou une horde mongole à lui tout seul. Ses camarades de luttes sont ses organes, ses membres le prolongement armé de sa pensée. Il martèle la rigidité du sol et le fait fondre de ses mots qui lui viennent et fissionnent autour de Lui comme une aura de sonorité en râle. Elle est Masse Mylonite, perclus du Sens, forgée des brûlures de la pensée, des intensités de la vie, de toutes les fulgurances de l'être. Elle est Masse Mylonite, fracassée de vérité au point d'en être muette, au point d‘en être terrassée. Elle est la source structurée du Chaos, initiales M.M. Elle a la forme de la démesure, incarnée au point G du tressaillement. Elle est Masse Mylonite, pilonneuse centrale et inconnue des ténèbres abasourdis, transfuge de la raison et de la pitié, cruelle en Poète, amoureuse en démente, noire en catacombe, accrocheuse de rêve de pillage aux lambeaux de chair de la mièvrerie des âmes. Elle est Masse Mylonite et Elle marche. Elle fonce et redevient il lorsqu'elle retrouve son poids.
Personne en vue. Masse s'arrête un court instant pour ramasser quelque chose par terre. Une roche. De couleur sombre. Il croit y reconnaître une hornblende, chose extrêmement rare en cette jungle urbaine, dénuée de toute possibilité d'éruption. Il la met dans une des poches de son manteau et reprend sa marche.
L'idiot n'est plus très loin maintenant.

L'océan de la Masse.

Masse Mylonite se meut comme un océan. De toutes les parties qui forment son tout, aucune n'est vraiment indépendante, ni foncièrement solidaire des autres. Ses membres agissent de leur propre chef, guidés par quelques obscures cellules du cerveau.
Dans un océan, chaque vague est unique, imparfaite. Dans Masse, les pensées se soulèvent en creux, mesurant l'impact à l'échelle du mètre. Dans son océan, Masse Mylonite joue à se faire peur. Il exorcise ses peurs jusqu'à ne plus subir l'infâme tromperie de la Souffrance.
Un pied devant l'autre, on se relève de tout ce qu'on est capable d'encaisser. Et rien d'autre n'est mortelle que la vie elle-même.
Masse pénètre l'Idiot et s'immisce parmi les fauteuils en feutre, craqués et sales. Il passe devant l'autel de l'ivresse et salue de la tête l'homme chargé de l'office. Il s'enfonce dans les salles enfumées, traverse les corps du regard, observe les mouvements obscurs des étylo-corpulences s'agrippant les unes aux autres en une mêlée de salive et de grognements. Son nom est Masse Mylonite et un rictus éclaire son visage d'une inquiétante ombre. Il trouve un siège dans la cavité d'un mur. Il se vautre sur Voltaire et tape d'un poing ferme sur la petite table en bois devant lui. Un bossu vêtu d'une veste blanche apparaît aussitôt et s'enquiert de ses désirs d'une voix nasillarde et grinçante. Il passe commande d'un pichet de vin, les lèvres écumantes.
La pièce est tapissée de vieilles reliures aux couleurs passées. Le plafond est bas. Un couple de femmes se lèchent les seins et la bouche avec une ardeur vulgaire, ragoûtante. Le bruit et l'odeur des autres salles lui parviennent en salves. L'ambiance humide de la pièce se traduit par les deux langues qui se cherchent.
Le bossu lui apporte la boisson et un verre de vieux cristal. Il avale le premier sans osciller, s'en sert un deuxième et procède au même rythme. Il souille la manche de sa chemise blanche de minuscules tâches carmines en s'essuyant la barbe qui perle. Il remplit son verre à nouveau et s'affale dans le fauteuil. Il ne cesse de contempler les deux femmes en face de lui. L'une d'elle le regarde avec défi alors que sa langue n'en finit pas de tourner autour du mamelon de l'autre. Le visage de Masse s'illumine d'un sourire. Une bande passe bruyamment, venant d'une autre salle, perdue dans le dédale de l'Idiot.
Il voit le bossu se faire taper par un homme. Il comprend qu'il a été trop long à lui apporter sa boisson. Les règles de l'Idiot sont impitoyables. Elles n'incitent pas à la tolérance non plus qu'elles ne forcent le respect. Elles sont les survivances des esthétismes de la horde, la règle du monstre esthète qui goûte le sang mais adore mieux celui des vierges, l'aboutissement non pas éclairé, mais obscur, de l'évolution de l'homme. L'autre versant de son esprit. Le mal comme on ne disait pas ici, la perversion, la décadence, la furieuse sincérité de la violence, le dérèglement inlassable de la raison, qui se trouvait ici en terrain ennemi, miné, un terrain où les valeurs étaient inversées, renversées, dépassées, dépecées, où le moindre excès de normalité devenait choquant. La morale était inversée et ne formait après tout qu'une "autre" morale quand Masse fulminait d'exploser celle-ci, encore et toujours, et de ne dépendre que de celle où son corps saurait s'illuminer des connaissances de son esprit.
Une musique de poulailler se fit ouïr. Rythme binaire, cadence infernale. Bruissement des sentiments rauques échauffés à l'alcool blanc. Étourdissement des têtes dans l'absence de silence. Silence dégarni de pesanteur, la fureur en conspiration, l'erreur est la constipation. Chimène est blonde et elle pétille de l'intérieur. Les souffles se croisent, s'hument à l'humeur, se meurent dans l'humus qui perle vert sur les murs moites. Il y a une distance incroyable entre la douce médiocrité qui berce ses oreilles et la Majeur symphonie qui se joue en Elle. Musique terrible que celle dont son corps se fait l'écho. Intenable de tempos intempestifs, disgraciée de la commune mesure, invisible à la faible lueur de ces gens, vautrés, privés de la mélodie essentielle. Masse fixe son regard à la ronde cherchant celui qui pourrait satisfaire son appétit de destruction. Il provoque le monde de celui-ci. Cruellement, il cherche à atteindre ce qu'il sait infiniment fragile pour tester et briser la facticité de leur autosatisfaction dégoûtante, leur prouver par le néant qu'ils ne sont rien d'autre que des morceaux de chair, vivant petitement, baisant dans la horde, aimant sans diamants, discourant sans savoir, n'ayant rien d'autre qu'une vague conscience de leur propre misère. Son rictus s'accentue quand l'un d'eux s'approche de lui et lui demande sur un ton de défi pourquoi il le regarde. Aucune chance qu'il le lui explique. Masse n'attend rien d'autre qu'un moment de grâce de leur part. Un seul moment et il pourra peut-être partir sans amorcer le pugilat qui point en lui. Il pourra se dire dans toute son excellente mauvaise conscience que celui-ci peut-être commence à entrevoir le secret des roches et des mots, qu'il a vu l'incroyable et bu l'ivresse aux lèvres de l'horizon, qu'il a savouré l'Ananda à l’antipode de l'idolâtrie, qu'il a su terrifié et rendre terrifiante sa pensée, qu'il a fait de l'Imprudence son Credo mineur et du Danger son accent majeur – Pour lui-même. Qu'il est parvenu à accentuer la moindre de ses faiblesses jusqu'à en faire une force, qu'il a rit au nez et à la barbe de la sagesse et de la vérité avant de s'octroyer le droit à la gravité. Qu'il a porté en disgrâce la plupart des sentiments nobles que l'histoire des hommes a pu inventer: de l'amour à la haine, de la gentillesse à la cruauté, du partage au bel égoïsme. Non seulement en disgrâce mais aussi, en violation permanente, en razzia infernale pour le Maître-Monstre, en discours charnel sur la violence, la pulsion, l'Envie, le meurtre; en une glorieuse contre-décadence de l'esprit, de l'honneur, de la fierté. Qu'il a pu affronter les méthodes et les théories, les discours et les croyances sans jamais rien perdre de son savoir de l'Eclair, si éclair il y eut. Savoir de l'Eclair qui dit la force de quelques-uns à pouvoir supporter son intense ardeur et la marginalité évidente dans laquelle cette force plonge ceux qui en sont le réceptacle. Un moment de grâce, en suspend au temps, en fixation vertigineuse de la répétition perpétuelle, pour contrer l'immobilisme désertique des hommes. Avancer avec le Tonnerre, en ciel déchiré, jusqu'à transcender en force la suffocation d'un corps trop lourd. Eclair au feu de la grâce, qui dénoue en mystère les saveurs aphrodites où perlent des vérités.
La Masse est dans son océan, ancrée aux dérives solides qui provoquent son rythme. Louvoyant en funambule, Elle a d'obscures intuitions dont l'Eclair se fait phare. Masse n'emporte pas uniquement son corps lorsqu'il se déplace, mais l'ensemble des atomes et l'air qui flirtent à son entour. Son Eclair l'isole, la rend étrangère aux saveurs humaines qui débordent mollement, ajoutant sur son front de profondes perpendiculaires, cicatrices de combats et stigmates de la profonde tristesse qu'elles induisent.
Oui, il allait, comme un autre, comme bien d'autre, l'Eclair au front, arborant sa vie de face, exhibant le faste de son existence dans la tourmente d'une flamme vacillante. Il disposait des gerbes d'oiseaux noirs autour d'aras incroyables, de singes multicolores, de bougainvilliers éclatés sur lesquels roulaient les gouttes d'un matin du monde, étranger au monde, un monde sans homme, sans bruit.
Sachant parfaitement le caractère éphémère d'une telle beauté, il saisit sa coupe et en but une longue gorgée, terrestre, avant de sortir, laissant-là l'Idiot, insatisfait.

Chapitres 3 et 5 de Des Mots et Des Roches.
En cours d'édition.


Sonatines intérieures par Lionel Blot

Naître en musique... En orchestration interne... En mesure nerveuse... C'est toute l'affaire... Il me semble que c'est très particulier, dès le début... J'ai six ans, et tout mon corps pèse en arrière de l'oreille, c'est à cet endroit précis que ça se passe, comme si la totalité de mes muscles, de mes tissus, de mes organes fusionnaient en un point unique en retrait du pavillon, que leur intensité globale de remuement, de convulsion, de pulsation, s'y concentrait en une seule minuscule tête d'épingle afin d'y battre un tambour sans fin. Une confusion des sens opère au profit de l'audition pure. Je regarde un mur ou un tableau, et j'entends le mur ou le tableau, j'entends les perspectives, les nuances de couleurs, l'épaisseur du trait. Je caresse une peau et j'entends son grain. Je respire un parfum et j'entends le musc et la cannelle. Voici l'éclat d'un bleu de cobalt et d'un vert absinthe, la rugosité d'un cuir brut et la souplesse d'un épiderme, le goût de l'eucalyptus et du laurier... l'infinie variété du monde sensible bourdonne à mon oreille selon une gamme de fréquences variables. Je passe ainsi des journées entières, à écouter des visages mutiques, des aromates et des fils de soie.

Une sensualité absolue, par instants, mais le plus souvent : l'enfer.
Sifflements, vertiges, distorsions nauséeuses de l'espace et finalement, syncopes. C'est le moment où l'oreille chute, et puisqu'elle retient en elle l'ensemble de mes organes, j'ai coutume de prévenir mon entourage, qui ne rit pas du tout, que je vais faire ma descente d'organes. L'oreille tout entière remplie de moi s'ébranle parmi des conduits, glisse le long des tissus nerveux pour venir se fracasser lourdement au sol. La terre vibre, et l'onde de choc tellurique créée par cet écroulement me parcourt en sens inverse, les pieds d'abord, et puis le ventre, la poitrine, la nuque, avant de revenir cogner à l'oreille dans un choeur de percussions puissantes, m'ouvrant les portes de ce que j'appellerai plus tard l'expérience initiatique du rythme, ce rythme tremblant qui me balance d'avant en arrière au cours des dernières secondes qui précèdent la perte totale de conscience. Derrière la porte de ma chambre, je discerne la voix du médecin, il traduit mon état à ma mère, il s'agirait donc, dans son langage, d'une suractivité des nerfs pneumogastriques : c'est évident, il n'entend rien à l'affaire, c'est le cas de le dire, passons.

Mon corps campe la place de mon oreille, qui elle-même entend chaque jour les diagnostics fantaisistes des spécialistes en tous genres. Leur symptomatologie est une symphonie, il suffit d'écouter : labyrinthose vasomotrice, lipothymie, hydrops endolymphatique –et moi j'entends rois voix, ou huit voix, ou douze voix, les quatre rangées d'archers, les bois et les cuivres se répondant les uns aux autres– hyperacousie, surdité apoplectiforme, vertige pseudo numérique –je n'ai qu'à me pencher pour cueillir le tempo, et la mesure se met à battre d'elle-même– oticodynie, vertige auriculaire, vertige labyrinthique, syndrome de Ménière, j'en oublie. Tous ces mots d'apparence baroque ou au contraire froidement clinique, dont je ne comprends toujours pas le sens aujourd'hui, je les entends alors avec émerveillement, je me les répète comme pour moi, la nuit, avant de m'endormir. Je les fais sonner entre eux, j'invente mille combinaisons nouvelles. Leurs tonalités m'évoquent des théâtres somptueux, des tableaux colorés. C'est par l'oreille que je retrouve la vue. Labyrinthose est mon favori, je regarde Ariane et Thésée tournoyer et déployer leur fil dans l'architecture de Dédale ; hydrops me plonge dans la mer, celle-là même dans laquelle Icare, amoureux fatal du soleil, chuta en cherchant à s'enfuir du labyrinthe ; vertige pseudo numérique m'amuse beaucoup, je nage dans un océan d'équations mathématiques, mais je fais semblant, puisque ces nombres n'en sont pas, ils se font passer pour tels mais les médecins savent qu'ils mentent ; vertige auriculaire m'intrigue, je contemple longuement mon petit doigt ; hyperacousie me flatte, je crois être doté d'un pouvoir surnaturel. Je les récite encore avec fascination.
A suivre...

Sirventès de la tolérance - Par Anne Archet*


Je suis intolérable

Ne me tolérez pas

Je ne tolérerai jamais

D’être tolérée !


J’exige les flammes ardentes de la passion

La conflagration sauvage des désirs

La folle luxure de l’outrage infini


Aimez-moi avec l’énergie du désespoir

Ou détestez-moi avec une fureur si intense

Qu’un seul de vos regards pourrait m’anéantir

Étreignez-moi ou déchirez-moi

Mais surtout ne me tolérez pas !


La tolérance est une maladie vile et bourgeoise

Qui nous englue d’ennui morveux démocratique

Flic cérébral lubrifiant de la paix sociale

Je chie sur la paix sociale !Je vomis sur la tolérance !


Laissons l’énergie convulsive et violente

Consumer nos corps, les réduire en cendres

Laissons nos passions volcaniques

Exploser d’amour, de haine, de fureur et d’extase

Détruire la médiocrité et l’ennui qui nous accablent

Et qui gentiment nous mènent par la main vers la mort


Dans mes veines coulent des rêves et des visions

Des désirs impétueux et le chaos immémorial

Pourquoi brider ce flux terrible et céleste

Avec la tolérance — ce cancer ignoble ?


J’exige de chaque rencontre l’impossible et l’inouï

Je veux émerveiller et être émerveillée

Je veux m’unir à mes frères et mes sœurs

Ces phénix ascendants pour brûler les rétines

Des amants et des adversaires confondus

Pour incendier la tolérance et l’ennui

L’horreur sociale et ordinaire

Par les flammes démentes

De nos désirs sans entraves

*: texte trouvé et prit sur archet.net

A COUTEAUX TIRÉS - David Falkowicz


Bilan

Les forces noires de l’inconscient mettent en doute, à chaque instant, la logique rationnelle. Leur refoulement est vain, du fait de l’intime rapport qu’elles entretiennent avec l’histoire du corps. Tensions et nervosités procèdent par flux continuels, perforants, et s’expriment par des secousses tortueuses, des chocs électriques imprévisibles. Il faut examiner attentivement les informations et signes du corps afin de parvenir à comprendre les questionnements de celui-ci. Le défi serait de traduire le langage du corps, la vitesse d’écoulement de son sang, ses crispations quotidiennes, en somme les caprices de l’organisme, multiples, changeants. En accepter les crises, les états de rupture, c’est accueillir dignement la nécessité, donc le Tragique. On cherche chaque jour à acquérir plus de puissance, mais un seul dérèglement peut balayer en une fois les illusions de l’esprit. Une défaillance intervient dans un système qu’on imaginait bien huilé. Tout était prévu pour se poursuivre dans la force, l’accroissement d’énergie, mais quelque chose s’est effondré. Un grain de sable, une étincelle dans l’engrenage psychique peut anéantir en une fois la carapace musculaire, caractérielle, fausse protection d’une identité vacillante.
Pensons à la folie de Nietzsche, d’Artaud, de Hölderlin, une folie essentiellement physiologique : jusqu’à quel degré ont-ils pu endurer les fortes exigences du corps ? Pouvaient-ils faire autrement que de se jeter tête baissée contre leur fatalité ? En contrepartie peut-être ont-ils porté en eux la plus vaste vitalité. Je le crois – sans doute est-ce là ma seule croyance : que les plus terribles épreuves finissent par se résoudre, tôt ou tard, dans quelques mystérieuses voluptés.
Chaque événement de la vie s’enregistre ainsi dans la mémoire du corps, qui, trop complexe pour n’être réduit qu’à une mécanique, se chargera de le traduire dans son propre langage – désirs, émotions, conflits... On peut parvenir à décoder les messages de l’organisme, souvent infinitésimaux, et par cela même comprendre son fonctionnement sans le rationaliser. Ses défaillances physiques n’ont aucunement besoin d’être interprétées par une grille de lecture scientifique : ce serait le plus sûr moyen de réduire, voire étouffer la puissance du langage corporel.
Le jour où j’ai décidé de démissionner de mon poste d’Ingénieur-mécanicien chez Peugeot (ce « titre » est à lui-seul tout un poème… moi qui hait les voitures, surtout celles qui roulent vite, pourrai-je un jour comprendre comment me suis-je retrouvé dans cette farce, côtoyant chaque jour des passionnés de la Mécanique, − des mécaniciens de la passion… j’aurai le loisir d’y consacrer plus tard un article, avec force détails piquants − le proverbe arabe ne dit-il pas d’ailleurs que la vérité pique aux yeux ?... ) ; le jour, disais-je, où j’ai démissionné de mon poste d’Ingénieur-mécanicien, ce n’était pas seulement pour en finir avec l’ennui, ou par conscience de l’aliénation salariale et de l’exploitation patronale dont j’étais l’objet, mais à cause d’une réaction violente du corps, un sursaut nerveux de l’organisme que je m’expliquais comme un signal de détresse. J’avais ainsi misé Artaud contre Marx. Aveuglément. Je ne l’ai pas regretté. Si je n’avais pas démissionné et m’étais abaissé à suivre un mode de vie universellement admis, j’aurais sans doute développé quelque névrose ou peste émotionnelle, très répandues aujourd’hui dans le milieu cadencé des Grandes Entreprises Meurtrières – et par extension dans la totalité de notre système ultra-libéral.
Je ne dis pas que le corps soit nié dans la société, mais qu’il est considéré comme un instrument productif, une mécanique exploitable par l’impératif consumériste. Si les Nouveaux Philosophes s’accordent aujourd’hui pour refuser de séparer l’âme du corps, celui-ci n’en demeure pas moins rivé par le confort d’un certain automatisme. Je suspecte l’hédonisme d’appartenir à cette morale de la mécanique, finalement consumériste. Le plaisir ne saurait être considéré comme une fin en soi, mais comme un moyen pour accéder à des territoires inconnus, et atteindre la liberté libre. Le Marquis de Sade l’avait bien compris qui, contrairement à ce que l’on a pu prétendre dans les commentaires officiels de son œuvre, a démontré à quelles perversités conduisait la saturation des plaisirs ; et ce que l’idéologie libertine, poussée à son excès, pouvait induire comme atrocités.
Dans les tensions continuelles du corps se trame une sourde révolte − un soulèvement. La vengeance est l’une des modalités de cette tension : mémoire des souffrances, des chocs frontaux, des ennuis imposés, des tristesses et culpabilités ambiantes. Il n’est de vengeance que celle du sang : le soulèvement désamorce les charges négatives pour les retourner en élan rageur, en affirmation insensée. Rien n’est beau qu’un déchaînement des instincts jusqu’alors cloisonnés, rapetissés par la mécanique de l’habitude. En somme, il ne suffit pas seulement de renverser le platonisme ou le cartésianisme, mais de doter ce bouleversement d’un élan vital, singulier selon l’individu, à partir duquel se déploie avec fulgurance le verbe de la connaissance. Je veux donc célébrer ici le corps souverain, libre, rendu à sa pleine puissance, à ses jouissances déculpabilisées, à sa complexité naturelle. Un corps transpercé par une multiplicité d’affects, de désirs, d’émotions vives, libéré de la main de fer d’une raison transcendante et rigide. Il faut alors avoir confiance en sa propre faculté de résistance : la volonté de puissance correspondrait moins à un accroissement de force qu’à un affinement progressif de la perception sensorielle. Construire une existence digne et intègre, sans concessions à l’égard des leurres sociaux ; et célébrer cette existence par un corps joyeux, apaisé, délivré des pesanteurs de la morale (pas que judéo-chrétienne…), voilà la véritable tâche philosophique, pour peu que nous accordions une importance à cette discipline. Mais la poésie est reine, car plus à même de décrire les mouvements du corps.
A suivre...

L'aurore du Corpus par Charles Letellier

Lors d'un voyage dans une des dernières contrées sauvage d'Europe occidentale, par -19°C, j'en vins à essayer de me figurer le corps. Le corps dans sa capacité de dépassement, d'outre- surpassement, le corps d'une certaine grande santé comme disait l'autre. -19° C, un sacré déluge de pluie glacée, une pente brute recouverte de glace et ce corps, tenace et résistant, qui malgré la minceur des vêtements qu'il porte, n'en développe pas moins une chaleur incroyablement élevée. Des images de volcans sous-marins en éruption dans les eaux glacées des grands fonds se rappelèrent à mon esprit. Qu'en est-il du corps, pensais-je, le front dégoulinant de neige fondue et de transpiration mêlées? Qu'en est-il du corps à mesure que ses mécanismes charnels tendent tous vers le paroxysme?
Tout se passe comme si l'ensemble de la pensée actuelle s'évertuait à vouloir le tamiser, à lui soustraire ses effrayantes capacités de démiurge de l'humain. Effrayantes pour les tenants de son affaissement et pour les théoriciens de l'esprit pur qui se complaisent à le limiter à ses plus strictes obédiences : nourriture, sommeil, excréments, voire, pour les plus fins (devrai-je dire les plus minces?) d'une once de désir hédoniste où la part instinctive est recouverte de strates d'intellect toujours plus épaisses qui sont autant de catafalques la séparant du savoir direct, qui est celui du corps.
Le corps ne serait donc que ça, une usine à caractère bio-embarquée de retraitement de l'ordure individuelle, une engeance organique si peu estimée – puisqu'elle génère de l'ordure – qu'elle ne semble pas digne de ce que les savoirs intellectuels échouent immanquablement à incarner depuis des lustres. Le Savoir du corps est autre et il n'est guère décoré comme peuvent l'être les savoirs de l'esprit. Il est d'une nature brute, forcément cruelle puisque foncièrement impolie, il s'active sur d'autres fréquences que celles utilisées dans les milieux intellectuels de Paris et d'ailleurs, notamment ceux qui se disent détenteur de la nouvelle Vérité Officielle. Sans doute un problème de langage, n'est-ce pas?
On croit s'en libérer, du corps, en le rendant systématiquement invisible dans ses expressions premières : transpiration, pilosité, borborygmes variés, dégradations diverses etc. On célèbre le corps parfait des porteurs de slibard aux initiales en K, on en fait la vitrine en gonflette d'un bien-être repu de moisissures et de mensonges, rongé de l'intérieur par le manque fondamental de sens et d'énergie. On l'exhorte au mutisme de ses instincts viscéraux et, une fois de plus, on consomme comme une victoire la domination morbide que la Raison et l'Esprit font peser sur la Matière.
Après des siècles de médisance et de soupçons chrétiens, voici qu'avance à grand pas l'idéologie de l'aseptisation totale, du dédain intellectuel et du mépris spirituel pour tout ce qui touche de près ou de loin au corps. Il va de soi que l'humanité ne pourra réellement évoluer qu'avec la volonté farouche de développer une conscience absolue du corps, qu'en y versant une vie spirituelle et mentale si intense et si profondément vraie que ce dernier n'aura plus d'autre choix que d'exploser les petits gonds rouillés où la nouvelle et toujours bonne société nous dit qu'il doit se cantonner, ou de pourrir éternellement jusqu'à la mort, encore et toujours.
A l'aurore du CORPUS, chers lecteurs, je vous souhaite la bienvenue dans ce cinquième numéro d'Ananda qui fête ses deux ans.

Pour tous ceux "qui ne se résignent pas au désastre en cours"

Salut à tous,

C’est après trois semaines de décompression et un temps de réflexion, de lecture intensive de tout ce qui s’est dit sur cette affaire pendant que nous étions au trou, que j’entame l’écriture de cette lettre.
Je suis sorti de Fresnes voilà un peu plus de trois semaines maintenant, un peu déboussolé. Je ne m’attendais plus à être libéré aussi vite devant ce qui semblait être un traquenard si bien orchestré. Retrouver l’air du dehors et l’horizon du monde ont bien sûr été un grand soulagement, on s’habitue si vite à voir son existence bornée par des murs et des grilles, qu’il semble que ça fait des siècles quand bien même ça ne fait au fond que 2 ou 3 semaines. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui se sont démenés pour nous sortir de là. Je suis sûr que malgré tout l’arbitraire qui entoure les décisions de justice, cette pression nourrie par les comités, les parents, amis et tous ceux qui ont senti à raison que cette affaire les concernait au plus près a eu un effet conséquent. J’aurais aimé pouvoir le faire d’une seule voix avec mes camarades co-inculpés mais comme vous le savez il nous est interdit de rentrer en contact d’une quelconque manière sous peine notamment de retourner en prison.

Mais je suis hanté d’une certitude : cette libération relève d’une « chance » inespérée, chance qui remonte à loin, celle d’une part d’être né blanc, d’avoir eu l’opportunité d’être diplômé, d’avoir des parents et des amis issus de cercles « privilégiés » dont la mobilisation a sans nul doute plus de chance d’être entendue que si j’étais né ailleurs et dans un autre milieu.
Je suis hanté bien sûr par le fait que deux de mes amis et camarades soient toujours incarcérés pour des motifs aussi rocambolesques, mais aussi par la pensée que des centaines d’autres personnes croisées notamment au cours de ma courte détention n’ont jamais eu cette « chance » et pour cause. Les prisons françaises ont englouti au cours des dernières années toute une frange de la jeunesse de ce pays, cette frange jugée inassimilable, sans cesse harcelée, toujours « déjà condamnée » et qui refuse toujours de rentrer dans les rangs étouffoirs de cette société. Un fait saute aux yeux quand on fréquente les cours de prison, une très claire majorité de détenus est composée par des jeunes des quartiers populaires, dont certains ont été abonnés aux séjours en prison. On remarque aussi le nombre effarant de personnes détenues, pour des périodes souvent très longues, sous le régime de la détention provisoire, régime dit « exceptionnel ». 6 mois, 9 mois, 1 an, 2 ans, 3 ans, sans procès et bien souvent sans preuve tangible. C’est qu’il est sans doute plus compliqué d’avoir des ‘témoignages de moralité’, des garanties de représentation recevables quant on vient de Villiers-le-Bel, Aubervilliers ou Bagneux, quand vos parents sont considérés comme étrangers, qu’ils ne maîtrisent pas la langue des magistrats et des media ou quand ils ne justifient pas d’une activité professionnelle stable et surtout reconnue.

Pas de misérabilisme toutefois, la solidarité se forge aussi derrière les murs des prisons, la politique pénale de ce gouvernement est en train de fabriquer une bombe à retardement. Plus on bourrera jusqu’à la gueule les geôles de ce pays, plus des destins vont s’y croiser et dresser des ponts entre tous ces milieux si savamment séparés à l’extérieur.
Le rapprochement entre les traitements politiques, policiers et médiatiques (cette triade tend à devenir une expression consacrée, peut être faudrait-il penser à les fusionner officiellement !), de l’affaire de Tarnac et celle de Villiers-Le-Bel l’année dernière est pertinente à plus d’un titre…
Novembre 2005 (Clichy sous Bois), CPE, élection présidentielle, Villiers-le-Bel, LRU, … deux parties de la jeunesse que tout a priori oppose, nourrissent conjointement la paranoïa du pouvoir.
La réponse ne se fait pas attendre et prend les même traits. D’un côté « lutte contre le règne des bandes » pour justifier la répression dans les quartiers après les émeutes, de l’autre, fabrication de toutes pièces d’une « mouvance anarcho-autonome », de « groupuscules d’ultra-gauche », comme repoussoirs à la révolte diffuse qui essaime au fil des mouvements de la jeunesse étudiante ou « précaire ». Dans les deux cas, une politique de communication de longue haleine pour dessiner les contours de « l’ennemi intérieur », qui débouche bruyamment sur des opérations coup de poing sur-médiatisées. Démonstrations de force démesurées, curées médiatiques, embastillements purs et simples. Faut-il le rappeler, outre les inculpés et incarcérés multiples de novembre 2005, cinq personnes sont toujours incarcérées après le coup de filet de Villiers-le-Bel et attendent un procès qui ne vient pas, faute de preuves. Aujourd’hui c’est notre tour, mais la chasse aux dits « anarcho-autonomes » est ouverte depuis plus d’un an, six personnes au moins ont déjà été interpellées et entendues devant les juridictions anti-terroristes depuis décembre 2007 pour des faits ou des suspicions qui n’avaient jamais relevé d’un tel régime juridique jusque là. L’étau se resserre et tous les coups semblent désormais permis.
Il a déjà été développé largement dans les communiqués des comités de soutien à quel point le recours aux outils de l’anti-terrorisme représente un glissement significatif des procédés de gouvernement et de la « gestion » de la contestation. Des scénarii déjà vus dans plusieurs pays au cours des dernières années (USA, Royaume-Uni, Allemagne, Italie…) débarquent avec fracas en France et signent l’entrée dans un régime où l’exception devient la règle. Ces procédures n’ont la plupart du temps rien à voir avec le « terrorisme » et ce quelle que soit la définition qu’on en donne, elle répondent à la logique millénaire de « en réprimer un pour en apeurer cent ». En d’autres temps on en aurait pendu « quelques-uns » à l’entrée de la ville, pour l’exemple.

Dans notre cas, il est très vite apparu que « l’affaire des sabotages de la SNCF » n’était qu’un prétexte opportun pour déployer au grand jour une opération de communication et de « neutralisation préventive » prévue de longue date (depuis l’arrivée de MAM au ministère de l’intérieur). La rapidité de la mise en branle de « l’opération Taïga » et l’absence quasi totale d’éléments matériels au dossier, même après les perquisitions et les interrogatoires croisés, dévoile très vite à qui n’est pas occupé à hurler avec les loups, la grossièreté du montage policier. Il aura pourtant été fait de sévères efforts d’assaisonnement de cette histoire un peu fadasse, un « groupuscule en rupture de ban et s’adonnant à la clandestinité », un « chef incontesté », son « bras droit », ses « lieutenants », des « relations amicales » ménagées dans le village par « pure stratégie ». Mais rien n’y fait les gens croient définitivement et heureusement plus « à ce qu’ils vivent qu’à ce qu’ils voient à la télé ».
Une fois répondu pour chacun à la question de sa participation ou non aux « actes de dégradation » sur les caténaires de la SNCF, reste cet immense gloubi-boulga qu’est l’accusation de « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». C’est d’ailleurs le seul chef d’accusation qui pèse sur la plupart des inculpés dont moi-même.
Ce chef d’inculpation repose sur un faisceau d’informations et d’hypothèses disparates, réunies par les services de renseignement, mais que seule une prose policière pour le moins imaginative permet d’articuler entre elles d’une manière aussi unilatérale. Les liens d’amitié, politiques chacun à leur manière, deviennent sans l’ombre d’un doute des affiliations organisationnelles voire hiérarchiques. On fait d’une série de rencontres, de la participation de quelques uns à des manifestations, de la présence de certains autres relevée au cours des mouvements sociaux qui ont émaillé les dernières années, les présages de la raison d’être strictement ‘politique’ (au sens le plus classique et plat du terme) d’un « groupe » identifiable et isolable comme « cellule » (cancéreuse ?). Cela est une contre vérité absolue et détermine un certain nombre de contre-sens vis à vis de ce dont nous avons été diversement porteurs au fil des années.
Le délit « d’association » permet d’englober d’un seul coup l’entièreté de l’existence des personnes visées et tout peut y devenir un élément à charge : lectures, langues parlées, savoir-faire, relations à l’étranger, mobilité, absence de téléphone portable, rupture avec son ‘plan de carrière’ où avec son extraction sociale, vie amoureuse et j’en passe.
L’utilisation de ces outils « antiterroristes » n’est finalement rien d’autre que l’indice de l’agressivité propre à tout pouvoir qui se sait de toutes parts menacé. Il ne s’agit pas tant de s’en indigner. Il s’agit en tout cas de ne pas, ou plus, être dupe de cette opération de police politique. Elle n’est que la tentative, des tenants du pouvoir, de communiquer au « corps social » leur propre paranoïa, qui, elle, n’est peut être pas totalement sans fondement.

On parle beaucoup autour de cette affaire de l’essai intitulé « L’insurrection qui vient » et tout le monde y va de son hypothèse pour dire QUI est derrière cette signature qu’est le « comité invisible ». Cette question n’est intéressante que d’un point de vue strictement policier. Le choix éditorial d’anonymat qui a été fait doit être entendu, à mon avis, non comme une particulière paranoïa des auteurs (même si elle se trouverait aujourd’hui cent fois justifiée) mais par l’attachement à une parole essentiellement collective. Non pas la parole d’un collectif d’auteurs qu’on pourrait dénombrer, mais une parole qui s’est forgée dans les aléas d’un mouvement où la pensée ne saurait plus être attribuée à tel ou tel en tant qu’auteur.
Ce livre suscite beaucoup de désaccords, voire de réprobation y compris parmi nous qui avons pourtant fait l’effort de le lire et le comprendre. Il me semble que c’est l’objet même de l’écriture politique : mettre ce qui demande a être débattu sans délai au centre, le rendre incontournable, quitte à être cru et sans nuance.
Tous ceux qui, par ailleurs, prétendent savoir QUI est l’auteur de ce livre mentent purement et simplement ou prennent leur hypothèse pour la réalité.

Les « lectures » récentes de ce livre, notamment celle de la police et de quelques criminologues de salon posent à beaucoup la question de la « radicalité ». Cette « radicalité » nous est renvoyée à nous comme trait d’identité, voir comme chef d’inculpation qui ne dit pas son nom. Je ne me sens pas particulièrement radical, au sens d’être prêt à accorder les constats, les pensées et les actes (ce que plus personne ne fait malheureusement et depuis longtemps). Par contre la situation est radicale et l’est de plus en plus. Elle détermine des mouvements de radicalisation diffus, qui ne doivent rien à quelque groupuscule que ce soit. Chaque jour dans mon activité d’épicier notamment ou quand je sers au bistrot, ou bien encore quand j’étais en prison, je discute, j’écoute ce qui se dit, se pense, se ressent, et je me sens parfois bien modéré face à la colère qui monte un peu partout. Ce gouvernement a sans doute raison d’avoir peur que la situation sociale lui échappe, mais nous ne servirons pas sa campagne de terreur préventive, car le vent tourne déjà. Il vient de Méditerranée.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, de doutes à lever, de manipulations à déjouer, mais tout ça ne fait que commencer. Ainsi ma position est en phase avec celle des comités de soutien qui fleurissent un peu partout : abandon des charges de « entreprise terroriste » et « d’association de malfaiteurs », libération immédiate de Julien et Yldune et de tous ceux et celles qui sont incarcérés à ce titre, pour commencer…

Viendra le moment où on devra bien nous rendre des comptes pour le préjudice énorme qu’on nous a fait subir, à nous, à Tarnac, mais aussi pour ce qui n’est qu’une provocation supplémentaire à l’encontre de tout ce qui ne se résigne pas au désastre en cours.

Benjamin, épicier-terroriste