7 février 2007

Tous chez l'barbier!

Si la presse quotidienne n'était pas devenue le réceptacle consensuel qu'elle est devenue depuis quelques années, s'il subsistait encore une vraie diversité et liberté de parole, de jugement, d'analyse dans les colonnes des quotidiens français ou parisiens (...), cela se saurait et cet article serait tout à fait inutile. Si les kiosques et les maisons de la presse du pays voyaient tous les jours et toutes les semaines, leurs étales se couvrirent de publications aux titres fulgurants, violents, parfois, provocateurs et satiriques; si ces titres et colonnes avaient pour principales vertus d'apporter une critique de la pensée en place, de se moquer des communautés, de déculotter les princes, de rire du pouvoir et de fustiger l'ignorance et la bêtise; si une presse digne de l'après Révolution Française coexistait avec la presse officielle, de droite ou de gauche, d'aujourd'hui alors, encore une fois, cet article n'aurait pas vocation d'être et sa rédaction constituerait sans doute une hérésie, voire un blasphème passible d'une peine capitale pour diffamation outrancière et publique envers la presse et l'état français.

Il n'en ait rien. Evidemment. Cela se saurait.
Non, on l'aurait remarqué si la presse était encore vraie et virulente. Pourtant, je dois dire à mon corps défendant, que subsiste, dans le morne horizon figé de la presse d'aujourd'hui, un journal dont le ton, libre et libertaire, et la ligne éditoriale (qui n'en est pas vraiment une puisqu'il y a souvent des désaccords parmi les journalistes), à contre-courant des pensées béates de gauches et réac de droite, ne cesse de séduire ma recherche d'opinions et de vues "au-dessus de la mêlé", pour reprendre Romain Rolland. Charlie Hebdo est le nom de cette feuille et c'est bien la seule digne d'un intérêt aujourd'hui. La seule qui ait fait preuve d'un véritable courage dans la situation actuelle de terrorisme international, de tensions communautaires et de repli de la république face aux pressions de ces dernières.
L'esprit dont je parle, et qui continue d'inspirer Val et ses sbires armés de crayons à papier fulgurant et de gomme qui ne le sont pas moins, cette contestation ouverte et directe de la bêtise, du pouvoir et des minorités, contestation bien française, cette anti-tradition morte, précisément, d'être devenue une tradition, une révolte "habituelle" aurait dit Ferré, est aujourd'hui accusé, mis en touche, montré du doigt comme étant l'ennemi fondamentale de la liberté d'expression, qui ne devrait pas jouer les difficiles de cette manière au regard de son tient blafard de captive. Cet esprit, donc, et ça n'est certes pas la première fois, est accusé d'avoir moqué, honni, "injurié" de façon scandaleuse l'ensemble de la communauté musulmane à travers le monde et en France principalement. Que s'est-il passé? Je vous préviens, l'histoire est caricaturale…

Elle est énorme même, tellement les conséquences qu'elle entraîna furent la démonstration précise que les caricatures du début furent totalement justifiées. Pour preuve, ces musulmans qui se sentirent outrés (ce que je peux comprendre mais beaucoup de catholiques sont de même choqués lorsqu'ils voient le pape entrain de sniffer de la cocaïne ou se faire sodomiser avec un crucifix. Ce n'est pas pour autant qu'ils vont brûler le siège du journal qui a publié ça ou lancer des appels au meurtre envers ce qui les ont commis) par ses dessins (Sept mois après leur publication comme par un effet de compréhension à retardement) brûlèrent l'ambassade du Danemark en Syrie et au Liban, lancèrent une fatwa contre tous les Danois en déplacement dans le monde et jurèrent de brûler vif quiconque oserait encore les affilier avec des bêtes sauvages capables de brûler les gens vifs… Effectivement, question cohérence, on n'a pas fait mieux depuis que Chirac a dit qu'il était satisfait du bilan de ses douze années de pouvoir.
Charlie Hebdo est donc appelé à comparaître devant la 17ième chambre du tribunal de Paris pour avoir publié ces caricatures, dont tout le monde à entendu parler, représentant Mahomet avec une bombe dans son turban, une autre où le même freine des kamikazes à l'entrée du Paradis en disant qu'ils n'ont plus de vierges en stock et, enfin, la couverture de Cabu en date du 8 février 2006, où le même prophète déplorait le fait d'être "aimé par des cons", parlant des terroristes et intégristes, des islamistes, et montrant, du même coup, le prophète désavouant leurs actions et se séparant ainsi de l'infime minorité qui sème le sang en rassemblant la grande majorité des musulmans modérés.
La victoire, il y a quelques années aurait été certaine, tant les lois qui protègent les valeurs, "sacrées", de la liberté de la presse héritée, comme je le disais, de la Révolution, étaient inaliénables. Mais les choses changent vite, très vite.
La situation présente est troublante à bien des égards. D'une, le nombre croissant de musulmans dans les pays européens incite à un changement des règles concernant les libertés individuelles. Pour une raison : certains, persuadés que c'est une guerre de religion qui se joue en Irak, ne peuvent souffrir que des voix rigolardes et franchement insolentes s'élèvent dans les pays en paix pour fustiger par la caricature, le fondamentalisme et l'extrémisme de certains. Cela prouve, comme je le disais, que ces moqueries sont totalement justifiées, comme est justifié le fait de moquer l'extrémiste chrétien, les noirs, Bush, le cancer, les juifs, la guerre, et tout, de prés ou de loin, ayant un caractère sérieux, trop sérieux, sourd à l'allure dérisoires des affaires humaines et hermétique à l'humour qui, seul, peut désamorcer les bombes de la crétinerie généralisée.
Deuxièmement, le fait qu'aucun autre journal (à part France Soir et, donc, le Jyllands-Posten de Copenhague pour l'Europe), ni aucun homme politique ne se soit élevé fermement afin de rappeler à tout le monde ce qu'était la liberté de la presse et d'où elle tirait ses fondements en France, démontre une couardise de la part de ces messieurs au gouvernement qui frise plus la lâcheté qu'un quelconque désir de tempérance. La situation, toutes proportions gardées (encore que…), ressemble étrangement aux accords de Munich, signés le 30 septembre 1938, par l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et la France. En fait, c'est la peur qu'inspiraient alors l'Allemagne et son Chancelier Hitler à l'Europe et au monde qui parapha le traité qui "sauva la paix", le temps pour Hitler de peaufiner ses derniers préparatifs et d'embarquer l'Europe dans une équipée sanglante qui coûta la vie à prés de cinquante millions d'hommes, de femmes et d'enfants.
J'ose croire que ce qui reste de la République Française est plus solide que la peur que pourrait inspirer l'odieux chantage qui consisterait à faire dire aux barbus-fous-de-dieu : "Touche pas à mon prophète, sinon, je nique la gueule à Ton métro". Cela fonctionne comme dans une confrontation entre deux hommes, le moindre signe faiblesse est automatiquement utilisé à l'avantage de l'autre et plusieurs signes de faiblesse de suite entraînent irrémédiablement la perte de ce dernier… Allons-nous voir, dans un futur proche, toutes paroles insolentes proscrites au titre qu'elles pourraient "choquer" la sensibilité de telle ou telle communauté. Qu'on n'insulte plus les vers-de-terre, il paraît que la communauté Jain d'Inde septentrional les vénère comme des dieux! Allons-nous baisser notre froc (déjà salit par trop de lâchetés diarrhéiques) face aux manipulations organisées par les Frères Musulmans et d'autres et renier le dernier bastion de "liberté" qu'il nous reste pour "sauver la paix", pour reculer encore dans la médiocrité et la peur, pour finir dans la pire des dictatures pouvant naître dans une démocratie, celle du plus grand nombre ou, en l'occurrence, du plus petit nombre…

Il est clair que l'affaire des Caricatures est, pour moi, ce qui est arrivé de plus grave depuis le 11 septembre 2001, les attentats de Londres et Madrid à part, bien évidemment.

C'est pourquoi, Charlie Hebdo, mon chéri, je te salue.
Et afin qu'ils s'aèrent un peu l'esprit, j'invite tous les barbus haineux de l'occident à venir goûter la magnifique noix de jambon que je viens de me procurer en dégustant un petit bourgogne savoureux que j'aime particulièrement.

Ensuite, tous chez le Barbier!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très juste: la liberté d'expression ne doit avoir de limite. Il faut se battre contre toute censure, aussi légère puisse t elle être. Rien n'est sacré, tout, absolument tout peut se dire, toutes les dérisions, toutes les insultes. Car ne pas dire, c'est avoir peur d'affronter les autres points de vue. En ce qui concerne Charlie Hebdo, je ne l'ai jamais lu, par manque d'atomes crochus je peux dire... ; mais total respect pour P.Val, qui vient de sortir un livre "Traité de savoir-survivre par des temps obscurs". Malgré le titre un peu facile, je confirme l'intêret de cet ouvrage, que j'ai longuement feuilleté en librairie, et que je compte me procurer.
Votre fidèle serviteur, Falko

Anonyme a dit…

Le procès a donc commencé le 7 février. Est-il utile de rappeler qu'il y a 150 ans, jour pour jour, le 7 février 1857, Flaubert était blâmé par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir publié Madame Bovary ? Le motif ?Offense à la religion. Il faut lire le réquisitoire d'Ernest Pinard (ça ne s'invente pas, on le voyait mal s'appeler Lalande de Pomerol). Il est accessible à cette adresse : http://www.bmlisieux.com/curiosa/epinard.htm
Bien sûr, rien n'a changé. On en reparle dans un siècle et demi ?