15 avril 2007

Mister Eugénisme is watching you

Le Nouvel Obs. titre cette semaine : "De quelle tribu êtes-vous?". Je réponds vite, un brin d'agacement dans la voix : "D'aucune!". Je suis de la mienne propre. Je ne me revendique de personne et ne supporte pas être pris en exemple ou monté en épingle. Et si je me reconnais des liens fraternels avec quelques uns dont les combats honorent l'esprit, leur vie m'est étrangère. N'y a de "commun" que le Souffle multiple d'une même vérité.
Si la mode est aujourd'hui à la grégarité de salon, au groupe éthique, la Salut – c'est-à-dire la libération de la conscience, nul autre "Salut" pour l'homme – viendra et ne pourra venir que des êtres insoumis au-delà de toute prise de partie, partisânerie, par-delà l'encartage de règle en matière de politique, chose qui à tendance à réveiller en moi des visions de bétail marqué au fer rouge. L'intolérable mascarade jouée tous les jours dans la presse et les médias par les Prétendants-Sauveurs-Electibles-de-la-France se pare aujourd'hui d'une couleur bien particulière : la prédestination génétique, la force ou la défaillance génétique, la raison du plus fort – raison naturelle – poussée à l'extrême.
Depuis les discours où Hitler enflammait les foules désabusées de l'Allemagne de l'entre-deux guerre en fustigeant la physionomie défaillante des juifs, défaillante de manière "inné", s'entend, génétiquement, de l'intérieure, dés la naissance, malade d'un judaïsme infâme, qu'il fallait à tout prix éradiquer pour que l'espèce avance, depuis ces temps charmant donc, personne, je crois, n'avait ramené le débat politique pour l'élection présidentielle si clairement proche d'une pensée de la horde, d'une logique animale : éliminer les faibles pour avancer plus vite, gagner d'autre territoire, faire plus de réserves, de profit, d'argent, avoir un pouvoir toujours plus étendu.
A entendre l'homme le mieux placé dans les sondages – qui prolifèrent tous les jours comme les mauvaises herbes sur le bord du périph' – c'est-à-dire celui qui a le plus de chance de devenir bientôt président de la République, la pédophilie serait contenue dans les gènes, dés la naissance. Ainsi donc, il y aurait un gène de la pédophilie comme il y a un gène du genre, de la couleur des yeux etc. Que penser, dés lors, des spermatozoïdes? Doivent-ils être incriminés, eux aussi? Et l'ovule avait-elle un alibi? A partir de là, méfiez-vous si votre gosse vous fait un câlin ou un bisou ou les deux, il a sûrement une idée derrière la tête. On ne sait jamais, avec les gènes.
Il est évident que si la possibilité s'offrait à nous d'éradiquer les pratiques incestueuses en procédant à l'ablation de tel ou tel glande, ou en appuyant sur tel gène pour le brider et épargner à des millions d'enfants dans le monde l'humiliation et la sourde douleur qui en découle, nous le ferions. Bien sûr, éradiquer ce bas-instinct de l'homme ne serait pas gratuit et je suis prêt à parier qu'il ne serait pas le seul. Avec lui viendrait l'instinct de domination, la barbarie, la violence et tout ce qui s'en suit. Monsieur S. ne serait donc plus qu'un artefact étrange et gesticulant dans le gène de la bouse.
Seulement, les gènes n'ont rien à voir là-dedans. Absolument rien. Nier ça, c'est nier qu'il puisse exister autre chose sorti de la prédestination génétique à laquelle nous convie Monsieur S. Et cela en dit long sur la façon dont le pauvre avatar de Bonaparte pense la vie, la politique et son rapport aux autres. Conditionnés génétiquement à être bon, mauvais, féroce, doux, méchants, gentil, grand, petit… Aucune autre alternative n'étend possible en dehors du schéma de notre A.D.N. Pas de place pour l'improbabilité, le fortuit, les rencontres, les mélanges, les prises de consciences, les changements soudain, en bref, la vie elle-même, telle qu'elle s'est créée. Et telle qu'elle EST. L'avait-elle prévu dans son Code, la vie, ce politicard grimaud dont l'haleine renvoie les fétides relents d'un Nazisme primaire? Etait-ce écrit dés le Big Bang que Monsieur S. devienne à ce point le symbole nouveau du ressentiment et de la haine de soi qu'il ne prenne même plus la peine de masquer ses idées les plus extrêmes et les plus dangereuses sur le monde? Est-ce dans ses gènes, cette âpreté, ce totalitarisme de la horde? Oui sans doute. Et c'est bien la seule dont on soit sûr. Dans son grand livre – Exterminez toutes ces brutes! – Sven Lindquist retrace l'histoire sanglante qui s'écartèle des premières colonies à Auschwitz. Il démontre (magistralement) qu'il n'y a, au fond, aucune surprise dans le fait qu'Auschwitz prenne pied en plein cœur de l'Europe. Car, dit-il, ce qui s'est passé dans les colonies – Maghreb, Congo etc. – n'est en rien différent de l'abomination Nazi. Sauf, et c'est sûrement ce qui nous choque le plus, que les juif sont des blancs, et non des indigènes dont quelques dizaines d'années auparavant, l'Europe entière se poser encore la question de l'existence de leur âme… La barbarie est dans le cœur de l'homme, au plus profond, c'est chose admise. Mais la propension au suicide? La pédophilie? L'homosexualité? La drogue? Et demain : L'aptitude à travailler quinze heures par jour pour gagner moins, de moins en moins, l'obligation de se taire, d'arrêter de penser, de lire, de boire, de baiser, d'aimer... Car la société que nous propose Monsieur S., dans l'extrême absolu, est celle-ci. Penser, lire etc. vont devenir des déviances, des freins au travail efficace et propre qu'exigera le consortium d'entreprise qui dirigera la planète d'ici à quelques années. La génétique pour l'"amélioration de l'espèce" mise au service de la plus terriblement raisonnable des raisons. Cela ne vous rappelle rien? Gardons bien les deux yeux ouverts car le retour à la barbarie ultra-raisonnée n'est jamais bien loin et il y a même des fois où je me dis qu'il est inévitable.

Aucun commentaire: