18 décembre 2007

Extraits Oyé oyé!

Il y a maintenant des extraits de textes du dernier numéro d'Ananda ainsi qu'une (vieille) vidéo sur une des soirées que nous avons organisé cette année. Allez donc faire un tour du côté de la bande de droite (non, je ne parlais pas de celle actuellement au pouvoir, bougre!).

16 décembre 2007

EDITO

La Saccadanse du Rythme

Ce numéro s'annonce spécial car nous n'avons pu tomber d'accord sur aucun des points qui nous intéressaient. Pourtant, nous ne sommes jamais parvenus à nous contredire. La parole a été libre, brute, réfléchie, avec autant de paradoxe que la vérité.
Sans cadeau aucun, sans coups de littérature-réalité, nous avons écrit ces textes de fortes natures en allant de l'avant. Et la seule chose qui nous reliait, sûrement, dans cette instinctivité, était la conscience de vivre une époque impitoyable et unique en son genre. Dénuée de rythme, en surplus de cadence! Peut-être, mais de l'avant quoi qu'il advienne…

Il y a une beauté sauvage qui nous échappe dans le devenir technologique de l'humanité. Et au-delà de la phrase, un quotidien qui regorge d'abrupts bonheurs et d'incertitudes.

Cette furie,
A l'aune…

De l'agitation vaine et inutile d'un monde d'insensés qui peut bien courir à sa perte au mouvement capable de sortir l'homme du cercle insensé, justement, où l'agitation de bocal et l'indignation de salon règnent sans partage, à quoi vibre-t-elle, cette chose qui nous anime?
A la Saccadanse du Rythme ? A la Joie! A la Colère! Au bonheur! A la souffrance! Pas assez! Plus! Encore! Pourquoi! De l'avant! Et que sais-je!

Cher lecteur, je t'invite à visiter le sacré monument de la vie.
Et à t'y installer, Diable!


C.L.
novembre 2007

La saccadanse du rythme par Charles Letellier

A l'origine n'était pas le Verbe, moins encore l'Emotion. A l'origine était le Rythme. La formidable aventure qui mena la première des amibes jusqu'à l'explosion des savoirs et la maîtrise effrénée et inconsciente de la technique, fut incitée presque directement par un rythme primordial, responsable des poussées et des fulgurances dont les humains ont décliné bien des terminaisons depuis la nuit des temps.
A l'origine était le Rythme, saccadé, de la vie qui s'accroche, improbable, en sursis. Pulsion irraisonnable de la montée en puissance d'une complexité proche de l'infinie, le Rythme dansait sur les corniches de volcans en explosion, en éructant les tressaillements du vivant.


La Saccadanse du rythme propulse le corps dans un état proche de l'extase. Les mesures sont frappées de l'intérieur. Sans faire attention, l'origine en prend pour son grade et se trouve dépassée par cela même qu'elle a engendré. Quand si peu de choses sont encore dignes de subir l'ire du Verbe, si peu parce que beaucoup suscitent avant tout mépris et indifférence, une chose nécessite toute la concentration de la colère et de ses lieutenants. Dans une époque où les corps s'affalent et s'essoufflent, se perdent dans les affres neutres de la mélancolie et d'une certaine amnésie des savoirs primordiaux, les rythmes du corps doivent être utilisés contre cet affaissement même. Ils doivent procéder du même redressement que celui qui pousse l'esclave à se lever.

Leur principal ennemi est aussi leur meilleur atout. Et c'est contre le corps lui-même, qui est le plus terrible de nos asservissements, mais aussi contre ses réactions les plus oiseuses et laxistes, contre sa terrible facilité à ne plus s'appartenir que la lutte est à mener. Mais si c'est d'une lutte dont il s'agit, lutte du corps contre le corps, on aura aussi compris que jamais celle-là ne pourra s'accomplir sans celui-ci, c'est-à-dire par le travail d'un esprit dont la réflexion serait coupée d'un certain matérialisme. Le corps est en même temps le problème et la solution.
[…]

Je dis qu'il faut mettre la même rage curieuse, la même furieuse folie de découvrir dans le corps que celle qui inspira les hommes pour aller à la conquête de la Terre. Je vois l'écrivain d'aujourd'hui et, de manière générale, les artistes comme des êtres devant faire preuve des mêmes audaces et du même courage qu'un Magellan de la conscience ou qu'un Marco Polo de la connaissance infatigable découvreur de ces Terra Interioras, certainement plus vastes que celles dites incognitas…

Si la vérité de l'être, qui est bien le but le plus haut pour ces chercheurs dont je parle (chercheurs qui peuvent se trouver à toutes les couches de la société), peut être conquise, elle ne le pourra que par celui qui mettra et son esprit et son corps dans la tourmente de la colère qui refuse. En affirmant un "Non!" ferme, catégorique et joyeux à la sottise sans fin des hommes, à la médiocrité de système et aux parcelles de vérité qu'on nous présente comme entières et parfaites, le rythme est amorcé qui mène au ravalement intérieur de la vie et, par là, au changement de conscience car, alors, la colère devient une force subjuguant le mensonge, incroyablement puissante dans sa capacité à faire apparaître les vérités enfouies. Elle devient le prédateur affamé qui traque, jusqu'en des lieux qui en sont apparemment exempts, la fausseté et l'hypocrisie. Elle est une partie de l'instinct de refus suprême qui remet sans cesse sur l'ouvrage ce qu'on l'avait incité à accepter tel quel. Elle est le Soupçon en forage, dans sa qualité à œuvrer vers le bas. Sa contrepartie réside dans l'affirmation constante de l'intuition de la vie appuyée sur l'expérience quotidienne du dépassement de soi. La colère rehausse le sentiment moyen, l'émotion et l'idée moyenne au rang de sentiment sulfureux, d'émotion démesurée et d'idée subversive. Elle projette l'image de l'homme après l'homme qui sera totalement exempt de colère car accompli, un et unique. En ce sens, la colère n'est qu'un événement passager pouvant mener à l'accomplissement de l'unité de l'homme. C'est évidemment une des voies possibles parmi l'infinité de celle qui s'offre à nous. Il n'y a de vérité que dans notre propre vérité et ce qui vaut pour moi n'a pas forcément valeur chez l'autre. Certain s'y reconnaîtront, d'autres non. L'esprit de ce texte n'est pas de convaincre mais bien de montrer qu'une certaine démarche, poussée à l'extrême et réfléchie, peut provoquer plus de Sens et inciter à plus de changements que bien des livres et des psychanalyses…

La fureur pour rien par Lionel Blot

Zèbre-Fou me retient par la manche. Je reconnais l'écriture sur l'enveloppe, aucun doute, c'est elle mais Zèbre-Fou insiste, il m'assure que je fais fausse route, que la question est à la colère, pas à l'indignation, que je confonds tout en somme. Ah ! C'est qu'il connaît ses classiques, Zèbre-Fou ! Il sait qu'avant de signer Zarathoustra toute sa correspondance, le Crucifié de Sils-Maria diagnostiquait que personne ne ment plus qu'un homme indigné, un croisé qui brandit l'étendard de la conscience morale universelle. Sa colère, à Zèbre-Fou, il faut que je l'imagine, est d'un autre ordre, c'est une herbe ensemencée dans les viscères, une vibration courant le long de l'épine dorsale, un appétit de vie qui se vit à l'étroit sous son costume de chair et exulte de déborder sur le monde. Sa colère est donc une joie, et cette joie, c'est dans la colère qu'elle s'exprime, parce qu'elle languit au bal des dépressifs, elle s'impatiente au spectacle de la passivité et de la résignation institutionnalisées.

Mais la lettre est là, elle languit à son tour de ne pouvoir être lue, elle voudrait être bue comme est bu ce Chianti que Zèbre-Fou entame. Il a bon goût, mon rédac'chef, mais sa colère est encore assistée, elle est tributaire d'un mouvement exogène, elle n'a pas le front assez haut pour surplomber la scène. Tu peux m'écrire quinze mille signes sur la Colère, me demande Zèbre-Fou. - Sur ce qu'il te plaira, mon ami, mais je vais bien, tu sais, les hommes ne sont guère plus venimeux que des moucherons, il y a longtemps qu’ils ne piquent plus. D'ailleurs le monde s'est dépeuplé, plus personne n'y habite sauf moi, et cette femme à la lettre qui dit viens à mon enveloppe. Parfois on y croise quelque fantôme qui fredonne un air gai, ou un couple de spectres qu'on peut regarder danser. Mais tu t'énerves, Zèbre-Fou, ressers-toi un verre, assieds-toi, il n'y a pas de quoi s'emporter. Tu dis qu'il y a des massacres, des suicides, du ressentiment qui germe un peu partout ? Ah bon, vraiment ? Et puis la misère, l’industrie pornographique, la marchandisation des hommes, les sectes, la laïcité en soutane, la clergie en étalage ? Ce n'est pas tout ? Les infortunes de la vertu, la prospérité du vice ? Quoi, relire Voltaire de toute urgence ? Tu plaisantes. Tu plaides pour un retournement de l'Histoire ? Le point de suture en plein dix-huitième siècle ? On en est donc arrivé là, mais non, c'est impossible, laisse-moi, Zèbre-Fou, je te rends ta colère, tiens, voilà, je retourne en orbite, le monde n'existe pas puisque je n'y pense pas.

A suivre dans le numéro 4...

A fleur de sang par David Falkowicz

I – Rompez ! Mordez ! Brutalisez !
Gare à vous !
Obéissez ! Partez !
De toutes les déclinaisons du sang
Les entrailles s’ouvrent à grandes enjambées
Se heurtent aux poussières
Des répétitions mécaniques
Voici venir le temps de la corruption
Du grand abêtissement
Le moment de faire éclater les bons sentiments
Les servitudes jouissives
Le corps regimbe ! La poitrine se comprime !
Les nerfs se passionnent se fixent se durcissent !
Le sang accélère sa cadence !
Génie de ces projets bien huilés
Avec toute la bonne conscience que cela implique
Paresseux ! Chiens ! Travailleurs !
Ne bronchez pas ! Idolâtrez ! Chargez !
Le revolver en salves d’artilleries
Enchaîne des concerts de balles
Les trahisons s’amorcent
Les dédains se soulèvent
Et les troupes affamées
Faites de métal et de nerf
Avancent sans passion
D’un bloc
Le fusil en extension du bras
Le geste meurtrier en réclame
Les frustrations du corps oppressé
Les tendons d’une chair noire aux regards bleutés
Une colère obstinée mais fausse
Brûlure de la solitude
Désaveu du terrible
Charge et décharge d’une angoisse
De terre et de cuivre
Balayez toute cette mollesse !
Ces politesses glaçantes !
Les médiocrités sont à contourner
Le dos se redresse
La main dangereuse
Saigne dans ses combats les plus exigeants
La mémoire est catapulte
Qui se laisse blesser par la vie courante...


A suivre ICI...

13 novembre 2007

Presse

ANANDA écrire magazine 001 copie

A noter la demi-page dont a bénéficié ANANDA dans le numéro de Juillet d'Écrire Magazine qui consacrait un dossier aux revues de créations littéraires. Malheureusement, il n'existe pas de site pour consulter l'ensemble des articles.

Pour quelques obscures raisons, la couverture est sortie en bleu foncé... Mystère!

Si cela vous intéresse, voici l'adresse à laquelle vous pouvez vous abonnez:

 

Couv écrire magazine

Éditions Écrire Aujourd'hui

Écrire magazine
Maison de l'Ecriture,

B.P. 90033 49071 Beaucouzé

Couverture du numéro 4 d'ANANDA

ANANADA 4 COUV

Chers amis, veuillez trouver ci-dessus la couverture du prochain numéro d'Ananda qui sera disponible courant décembre 2007.

C'est beau, non?

9 novembre 2007

Pictos Anandien. (Numéro 3).



Ci-contre quelques images de
Guillaume Farges,
le grand metteur en page.

En attendant le prochain numéro courant décembre.




23 octobre 2007

Annonce !


Du 6 novembre au 8 décembre 2007
au théâtre LE PROSCENIUM
170, rue de Charonne 75011
Réservations : 01. 40. 09. 77. 19.

D'après le roman de Mohammed Dib
Compagnie: C pas D…ailleurs.
Mise en scène: Ezzedine Sassi.

"Nous partîmes donc d'Horeb et marchâmes, par tout ce grand et terrible désert…"



Deux "êtres" en plein désert et une longue traversée. Non, ils semblent perdus, mais ne le sont pas… Ils sont sur la route qui chemine, à la recherche de soi, de l'autre, des atlal, d'un désert, d'un orient comme "mythaphore", d'un tout, d'un rien… A travers l'"instemps", et à la croisée des temps, d'ici, d'ailleurs, et tapis aux faubourgs, sans détour et au plus profond des âmes. "Personne ne tue personne, personne ne tuera plus personne" ne cessera de répéter Hagg-Bar à son cadet, et compagnon de fortune, Siklist.

Du plus absurde au plus censé, du plus sérieux au plus banal, du plus païen à la plus haute considération spirituelle, avec ou sans… engagement. Cela dépend. Angle de vue, faut faire avec le "comme si", et gloire au comme si … le reste n'est que foudroyante symphonie "A"Dib…ienne", tissant la langue et le langage, et génie de "nommer" l'innommable, le "Donner"… : pour nous, compagnie, gens de passage sur planches, nomades et pas sages encore, mais toujours en route, c'est plutôt vivre et tout donner sur scène, cette traversée, ce songe, cette plume, ces pas, ce nous… ce voyage, ce défit. Et cela suffit à lui-même. Suffit. Mais que si, et que vous le voudriez ou pas, en franchissant la porte "de sortie" (qui sera la porte d'entrée), mille pistes, mille incompréhensions, mille gênes, mille oasis s'ouvrent d'un coups à vous, s'imposent et viennent vous emboîter le pas, pour un autre voyage: sachez que c'est le votre. Et pour vous accompagner tout en se lavant les mains, en tant que compagnie de ce qui ne nous regarde pas, nous vous psalmodions: A pour alif(e). L pour lam(e), M pour mim(e) Aliflammim , ALM, et… et laissez, prenez des plumes, une myriade de plume.

Que jaunissent encore certain "livres jaunes" l'éclat doré des grains de sable n'a cure, et que ternissent également toutes les autres couleurs si elles ne sont que…les humains resteront, marcheront toujours.
EZZEDINE SASSI

29 septembre 2007

Ebullitions - Part 6 - Epilogue temporaire - Par Charles Letellier

Une voix s’éleva dans la pièce que Joseph ne reconnu pas tout de suite. Après quelques instants, il identifia sa voix, cassée et distordue. L’intonation ne laissait effectivement aucune place aux détractions bouffonnes.
« Mais qu’est-ce que tu racontes bordel ?! Tu vois pas que t’es ridicule ? Tu parles de quoi ? Tu veux me faire croire que t’es yogi, ma cocotte ? Tu te fous de ma gueule ? Tu veux que je t’en mette une ? À une autre époque, on t’aurait torturé pour avoir sorti de telles inepties, tu n’aurais eu aucun droit parce qu’aucun mérite ! Tu aurais risqué la torture pour faute de mot ! Tu veux être comédienne ? Sais-tu pourquoi au moins ? – Euh ben oui, j’aime bien jouer… fit une voix apeurée et timide – T’aimes bien jouer !? Ahaa ! Mais ça suffit pas ça ! Petite gonzesse ! T’aimes bien jouer ?! Mais moi aussi j’aime bien jouer ! Tu veux jouer avec moi ? Avec tes tripes, j’vais me faire un joli petit collier ! Tu vas voir ! Semenoff, donne-moi un couteau ! Donne-moi un bout de ton intestin ! Aaaarrrggghhhh ! Vas-y un peu de générosité merde ! Tu m’entends ?! La philosophie indienne ?! Mais malheureusement pour toi, tu n’y connais rien !! Et moi, qui ai lu, qui lis, qui ai même fait des traversées, moi, j’en parle même pas ! Tu comprends ?! Trop subtil pour en parler comme d’un maudit paquet de pâte ! Et toi, tu prétends nous l’apprendre à moi et à mon pote ? T’es rien, tu m’entends ?! T’es tellement pleine de fausses manières, de faux airs, de fausses intelligences, de faux, de faux, de faux ! Toujours la même chose ! Tu es fausse de la tête au pied ! Creuse et incertaine ! Floue ! Tu es floue ! Même tes mensonges ne sont pas véritables ! Et tu veux jouer ? Tu te prétends Yogi ? Tu fais de la lévitation ? Mais tu veux que je te mette un claque, ma pauvre petite ? Allé, rentre chez ta mère immédiatement et arrête de faire mu-muse dans la cour des vrais. Muse de mes deux ! Tu es médiocre, inexorablement médiocre, éperdument médiocre, fondamentalement médiocre et tu veux jouer dans la cour de l’art, tu veux jouer ? Tu veux que je te baise ? Là tout de suite si tu veux ? Si t’oses ? Viens, j’vais te faire répéter, moi ! Tu veux jouer ? Mais qu’est-ce que tu veux jouer ? Ton petit air sirupeux de yogi et de philosophie indienne, ton amour de l’humanité et ta haine du cancer et de la pauvreté, ton bien-être et ton putain de végétarisme morbide ? T’es venu jusqu’ici pour ça ? Pour nous dire ça ? Pour nous montrer ça ? Mais diable !! Hors de ma vue ! Va rejoindre tes petits copains pseudo-artistes et pro-conformables et laisse nous jouer le rôle des Véritables-cruels… Va ! Pointes-nous du doigt tout haut! Et n'oublie pas de ramper tout bas quand tu nous aperçois crever la dalle sur le pavé ! Fais ton boulot de Sainte-Médiocre ! Mais ne prie pas pour moi, hein !, bigote aussi suffisante qu’insuffisante ! En attendant, prouve-moi ton talent en lévitant ton cul jusqu’à la porte et de là, jusqu’à la rue ! »
La bande s’arrêta alors qu’on entendait déjà du verre se cassait et une bousculade.
- Bon. Je te passe les détails. Et là, tu te rassois, te sert un verre – forcément ça assèche de parler autant d’un coup – et tu te mets à rire en continuant de pester contre la pauvre fille qui, du coup, s’est barré illico, croyant bien que sa dernière heure avait sonné. Je crois qu’elle a vraiment cru que tu allais mettre tes menaces à exécution …
Il l’observa pour trouver dans ses yeux l’infirmation morale à sa dernière remarque. Il ne l’a trouva pas et sourit de ses dents aussi blanches que possibles.
- T’es terrible à la fin…
- C’est pour ça qu’il est venu te voir le mec d’à-côté ?
- Bien sûr ! et toi tu te pointes la bouche en cœur aujourd’hui en me disant que tu te rappelles de rien !

31 août 2007

Ebullitions - Part 5 - L'antre de Semenoff - Par Charles Letellier


Arrivant au cinquième, il fut interrompu par une voix grave et coupante : « Ok ! Maintenant, tu retournes chez toi ronronner bien gentiment, va vivre ta petite paix en charentaises et laisse-moi faire ma guerre ! Et surtout, t’oublies pas de caresser le chat, hein, tu m’entends !? T’oublie pas !? Voilà c’est ça, à bientôt… »
Lorsque Joseph mit le pied sur le palier, il tomba nez à nez avec deux globes oculaires qui firent naître en lui un profond sentiment d’angoisse. Il se trouvait nez-à-nez avec un avatar de Klaus Kinski. La perspective ne le réjouissait guère à vrai dire. Il esquissa un geste de recul qui le précipita dans l’escalier. « Wooh… ! » fit-il, s’accrochant à la rambarde qui se courba sous son poids. Il eut juste le temps d’imaginer le contact brutal de sa nuque avec les marches en contrebas et d’apercevoir une silhouette frêle disparaître précipitamment derrière une porte aux multiples serrures. Il eût juste le temps de penser : « Qu’est-ce qu’il cache pour avoir tant de serrures ? » puis sentit qu’on l’agrippait fermement par l’épaule.
- Qu’est-ce que tu fous, putain ?! lui dit Semenoff
- Dobrae outra, vieux frère…
- Ouais, ouais… Aller rentre… Je vais t’expliquer, répondit-il en martyrisant le plancher de ses 99 Kilos.
Joseph pénétra dans l’appartement de l’autre. Celui-ci très sombre avait l’allure d’un antre, du moins l’idée que l’on pouvait s’en faire. Les odeurs y étaient très fortes : celle du foutre prenait les narines pour un con et venait s’y plonger avec une impudence impudique ; celle de la transpiration se mêlait déjà avec l’odeur de ses aisselles et, derrière ces deux dominantes, le souvenir d’un graillon collant avait du mal à se faire oublier. Il régnait une atmosphère dense, écœurante, sourde. Les sens travaillaient à plein régime, s’arcs-boutants sur de vieilles réminiscences de parfums féminins. Quelques bouteilles vides jonchaient le sol, négligées, vidées de l’ivresse qu’elles avaient recélée. Joseph, désœuvré, tapa l’une d’entre elle de son pied.
La lumière du soleil, par un trou pratiqué au milieu du volet fermé, matérialisait des millions de particules poussiéreuses. En passant près de la chambre, Joseph entrevit le lit dépouillé, les draps fixés dans l’immobilité de leur moiteur moisie…
Il dit à Semenoff : « Comment peux-tu vivre dans un cloaque pareil ? » L’autre mit son masque-Kinski, une folie singulière scintillant au fond de ses yeux vitreux de la Vodka qu’il ingurgitait en esthète, avec une foie à toute épreuve. Joseph n’insista pas.
Le silence se fit entendre, perméable. Ils arrivaient dans la pièce principale, celle où tout se passait. Elle rappelait d’ailleurs un théâtre avec ses trois mètres de plafond et ses draperies épaisses et brillantes recouvrant les murs. L’odeur changea, elle aussi. L’atmosphère devint plus saine, plus tamisée. Joseph vit les pipes et les petits plateaux en argent recouvert d’une substance brune et malléable. « Opium » lui dit son instinct. Le velours rouge du divan était parsemé de petites tâches noires, cratères terrestres des innombrables résidus de Haschisch tombés des cônes allumés comme autant de comètes sporadiques. Cela sentait l’Asie, à présent. L’endroit ressemblait aux fumeries déliquescentes des anciennes colonies. Il pensa à Delacroix, à Ingres, à leurs orgies de bazar et oublia la saleté des autres pièces.
- Je ne te connaissais pas cet amour pour les opiacés…
- Tu ne devrais pas être là. Qu’est-ce que tu veux ? Tu viens d’où comme ça ? Assis toi. Vodka ? Whisky ? Eau-de-vie ?
- Non, du vin plutôt, si tu en as.
- Regarde, derrière toi, par terre.
En se tournant, Joseph trouva une bouteille de Gevrey-Chambertin posée près de la cheminée. Excellente année.
- Tu me gâtes, dis-moi…
- Quoi ? Ah, t’en fais pas, j’en ai plusieurs caisses à la cave…
- A qui tu parlais tout à l’heure ?
- Hein ? C’est mon voisin, une espèce d’abruti en peignoir et charentaises. Une couille-molle de la plus belle race ! il ne me supporte plus. D’ailleurs, plus personne ne me supporte encore ici. Remarque ça tombe bien parce que je commence à en avoir ma claque de tous ces parisiens merdeux ! Tellement les uns sur les autres ! Y partouzent malgré eux, t’imagine ! Y m’font penser aux phoques du Pier 39 de San Francisco. Tu connais ? Non, ça m’étonne pas, tu connais rien ! Et je peux te dire que ça puait sec ! Sans parler du bruit ! Nom de Dieu, y font plus de bouquant qu’un mec que t’étripe au couteau et je sais de quoi je parle… »
Semenoff… Un tiers de mensonge, un tiers d’invention, un tiers de souvenir… Le tout appuyé par des mains de cuir, sans scrupules. Mais ses yeux étaient capables d’au moins un tiers de ses contres vérités alors Joseph écoutait, au cas où. Il ne savait jamais vraiment comment le prendre. Tout dépendait de l’humeur de son ami. Et il en savait suffisamment sur le passé de celui-ci pour ne pas prendre tout à fait à la légère ce genre de déclaration.
La bouteille fut vite ouverte, un carafon de liquide translucide et glacé, sorti. Deux verres différents. L’un vaste et retroussé vers le haut accueillit le grand cru de Bourgogne ; l’autre, petit et orné de motif étrange, gela au contact de la vodka. En cristal tous les deux. Joseph, rapidement happé par ses pensées, admira un instant les tranchées encore pleines de copeaux creusées dans le plancher. « Bagarres récentes ? » laissa-t-il échapper tout haut.
- Tu te fous de ma gueule ? lâcha Semenoff, le front plissé, en le regardant bien droit.
- Pardon… ?
- Dis-donc tu veux que j’te rappelle le bordel que t’as foutu ici avant-hier ?
- Ah… Quoi ? J’étais là ? Ici ? Avant-hier ? Peut-être, oui… Je ne sais plus.
Joseph fouilla rapidement son esprit qu’entortillaient les alcools, les mots et le manque de sommeil. « Y a deux jours ?… C’était quand ? » Aucune notion de temps ne persistait en lui. Il se devait de se rappeler le chemin parcouru dans l’antiquité de ses jours, poussé par une force mystérieuse qui le projetait à l’avant de ses émotions. Il était amnésique momentané, ne gardait en mémoire que les beautés et les victoires. Les principes et les consignes de la « bonne vie » n’avaient jamais trouvé un terreau favorable au sein de la furie primitive et primordiale qui était la seule et unique patrie dans laquelle il parvenait à trouver un sens à ce qui semblait ne plus en avoir.
- Ouais, y a deux jours ! Toi, Ava, Moraline et moi. Ici. Tu te rappelles de rien ? Mais tu déconnes ou quoi? Tu veux que je m’énerve ?… On était là, assez gentiment, les gosiers un peu éprouvés c’est clair, mais on parlait en riant, à la limite du delirium franc, berceau de l’ivresse véritable… Moraline à commencer à parler de yoga, elle a commencé à raconter sérieusement que, soi-disant, elle ne dormait que vingt minutes par nuit, qu’elle parvenait même à faire de la lévitation… Elle a continué en parlant de philosophie indienne, commencé à affirmer qu’elle connaissait tout ça par cœur, qu’elle savait… Et toi, tu disais rien, bizarrement. T’enchaînais les verres de la table à ta bouche et tu descendais, descendais, descendais… T’ouvrais les bouteilles avec le sombre regard de celui qui ne demande qu’un prétexte pour frapper ou maudire. Mon vieux, j’en ai connu des picolleurs mais je peux te dire que t’as bu, ce soir-là, comme rarement j’ai vu faire quelqu’un. Et rien ! Aussi statique et inquiétant qu’une statue éclairée à la torche dans une ruelle de Kathmandou, un calme blanc, un calme trop calme pour être rassurant. Bon, moi je m’en fous, j’ai pas beaucoup de respect pour la greluche de toute façon. C’est pas ça. Au contraire, je préfère quand y a un peu d’animation …
Il laissa sa phrase en suspend, attrapa un briquet rouge à mèche sur la table et alluma un cône trop fin pour ses doigts d’ancien zek. Il expira la première bouffée en plissant les yeux puis continua.
- Je sentais bien que je ne pourrai pas te contrôler en cas d’esclandre. J’aurai dû plus me méfier, peut-être… Si t’as fait ça ce soir-là, ça te regarde. Tu devais avoir tes raisons. Mais ce que tu lui as dit… Diable, j’aimerai pas être ton ennemi si un jour, tu pètes un plomb contre moi ! Même si j’ai d’autres armes que tes mots… Infaillible dans la cruauté ! Bravo !
- Mais quoi à la fin ?! s’emporta Joseph. Puisque je te dis que je ne m’en rappelle plus ! De quoi ? J’lui ai dit ce que je pensais, c’est ça ? J’lui ai dit tout le bien que je pensais de ses putains de petites théories et de ses gros mensonges, tellement énormes que les tiens passent pour de saines vérités à côté ? Tant mieux, aucun regret malgré aucun souvenir. Je ne m’embête pas avec la politesse ou le tact, tu le sais bien. Je ne suis pas là pour prendre des pincettes et ce n’est pas toi avec ton voisin qui va me faire la leçon. Si les gens sont capables d’encaisser et de me répondre, je les respecte, s’ils se mettent à trembler en n’assumant rien de ce qu’ils ont dit alors je les assassine jusqu’au bout, je les plonge dans leur merde afin qu’ils sentent bien qu’ils s’y trouvent vraiment. Tu comprends ?
- Ouais, ouais, ouais… T’es vraiment un sale con des fois.
- Tout le plaisir est pour moi.
- La gamine a pas dû s’en remettre depuis. Je t’aurai jamais cru aussi fin… Tu m’as quand même foutu la trouille ! Tiens jette un coup d’œil, l’amnésique…
Il jeta à la tête de Joseph un polo bleu qu’il reconnut comme familier. Il le déplia pour découvrir que celui-ci était déchiré de l’échancrure jusqu’au bas. Arraché en diable…
- Tu t’es levé d’un coup. Furieux avec une folie brune dans le regard, comme si tu ne comprenais plus rien de ce qui se passait. La petite venait d’avouer qu’elle ne savait même pas situer l’Inde sur une carte. T’as versé la tête en arrière, ri en écartant les yeux, attrapé les deux bords de ton col et déchiré ton putain de polo en deux ! Déjà, ça a mis un léger blanc dans la conversation. Et puis t’as enchaîné… Semenoff riait à présent, la malice dans le regard. Tu veux que je te raconte ? Attends, je crois même que j’ai pu enregistrer ta petite tirade…
Semenoff se dirigea vers le meuble où trônait sa chaîne Hi-fi, engagea une cassette dans le lecteur et appuya sur un bouton…
A suivre...

8 août 2007

Ebullitions ou la démesure du réel - Part 4 - Par Charles Letellier

Joseph arrivait maintenant au centre de la ville. Il était lui-même en son épicentre, guettant les syncopes du sismographe de son cœur. Traversant le fleuve, le ciel se dégagea soudainement, laissant percer un rayon de soleil, fantastique trait, immensément léger et puissant. Comme s’il se fut s’agit d’un adoubement, il ferma les yeux, sourit et entama un chant au voyage, à l’air frais du vent et à l’astre de feu qui venait de lui faire signe. « Drive me to Portugal, drive me to Spain… »
Il repensa aux phrases de toute à l’heure qu’il connaissait sans savoir d’où elles venaient. Que disent-elles déjà ? « Peut-être que j’irai en Inde ; peut-être en Russie… » Elles ressemblaient à un défi lancé au ciel, à la Terre et à tous les hommes. Elles disaient : « Moi ! je le ferai ! Sans peur, sans détourner les yeux ! » Malgré le « peut-être » du début, elles étaient empreintes d’une certitude sourde, enfouie, que l’auteur même ne semblait pas connaître – ou qu’il se foutait de connaître… « Peut-être que le Tibet m’ouvrira ses portes… » Joseph imagina alors une vaste pièce, un palais sans portes, des plafonds en coupole avec des lustres gigantesques. Il décida d’y ajouter de grandes fenêtres dessinant, à l’arrière, une ville basse aux toits plats. Il s’interrogea aussitôt : « De quelles régions de mon cerveau cette vision vient-elle ? » Il chercha un moment, en profitant pour rajouter ici un immense tapis à dominante rouge, là un large foyer résolument rougeoyant. Un éclair le frappa soudain bien que le ciel fût totalement serein au-dessus de sa tête…
C’était il y a une semaine. Macha l’avait tiré d’un rêve similaire. Il l’avait alors regardé, hébété par la force des odeurs et des visions qu’il avait eues et, malgré les mains de Macha, félines, qui fouillaient son entrejambe, il s’était précipité à sa table afin d’en esquisser les contours qui déjà s’échappaient à son souvenir.
« … et que je galoperai dans les steppes mongoles en hurlant... » Un sourire se dessina par réflexe sur ses lèvres. Il voyait très bien les paysages que ces lignes décrivaient. Vaste contrée épinglée de bouleaux, de neige, de tigres, l’odeur moite de la vapeur, le Russian spirit… Lui-même originaire de l’Amour, ses veines drainaient encore les molécules d’oxygènes dont il s’était repu gamin. Coincé entre un océan et un continent, entre une immensité pacifique et de gigantesques regards, il avait dû partir lui aussi, de nuit et sans regret. Il continua « … en hurlant de toutes mes tripes que j’aime à en crever et que je suis en vie. » Il ramena ses sourcils dans l’interstice poilu où commençait son nez, décocha un regard provocateur au soleil et fit : « Ah ! Ah ! » en regardant bien droit dans les yeux un homme à l’apparence banal qui croisait son chemin. Celui-ci eut le réflexe occidental de faire un bond apeuré en arrière, croyant sincèrement que Joseph allait lui sauter à la gorge. Il sourit et rit aussitôt en disant : « Pardon ! N’ayez pas peur, j’vais rien vous faire ! » L’autre s’éloigna en pestant timidement, plus que jamais convaincu de la fragilité mentale de ses congénères. Joseph ria de plus belle, encore plus fort, « Le bon petit soldat… » pensa-t-il un sourire, désormais mauvais aux lèvres.
Il décida sur le champ de payer une visite à Semenoff, le géant Kirghize adepte de la roulette à une balle, qui habitait à la frontière de la Jungle, là-haut. Pour fêter cette décision d’avec lui-même, il poursuivit le chant qu’il avait interrompu plus tôt. « … I know a treasure is waiting for me, Silver and gold and the mountains of Spain… » Il remonta avec une joyeuse fureur le Sébastopol, arriva à République, prit à gauche en direction de la Trinité puis trotta voluptueusement à travers ces ruelles du neuvième, belles et pudiques, encore vierges des désordres libéraux aspergeant, par ailleurs, les trottoirs amidonnés de Paris.
Arrivé en bas de l’immeuble, il fût pris d’un doute et vérifia que sa petite fiole en cuir se trouvait bien dans son sac. Il composa le digicode de la porte, pestant férocement contre la sécurité tatillonne, prudente et totalitaire dans laquelle Paris, et toutes les autres villes démoglobines, s’enfonçait comme dans une bouillasse, puante d’un intenable bonheur souverain et de kermesses à bons sentiments. Il pensa : « L’Intérieur devrait être bientôt rebaptisé Ministère de la Prudence. On supprime tout le danger du vivre, délimitant ainsi en contours de béton et de barbelés les espaces où pourront s’exercer nos désirs, relégués à l’arrière-train du train-train quotidien, virus ultime de notre temps soumis aux huiles essentielles, aux voyages organisés de la pensée et à cette intolérable mascarade de liberté… Statistiques à l’appui de la saine vie – Bio, sans sucre, sans sel, sans alcool, sans fumée, sans fumier ! C’est ça ! Nous voulons passer du stade bestiale où les entrailles saignent à celui minéral où, équipés d’épurateur d’eau et de masque à oxygène, nous vivrons de capsule de protéines, de glucide et de lipides, sans saveur, juste ce qui est « bon » pour nous. C’est-à-dire en faisant du corps, le reflet aseptisé de nos peurs et de notre avarice à vivre nos vices jusqu’au bout ! Le corps apprend par la force, par la violence de la sommation qui lui est faite de se surpasser. C'est son langage. Le danger se situe là, dans le fait avachit de dégouliner grassement dans un fauteuil trop parfaitement confortable. Le vrai danger bien-sûr. Le seul vrai danger réside dans la psyché laminée, dans l'endormissement accablé de la conscience, dans le bien-être croupissant où s'affale les possibilités de soulèvement. L’ensevelissement du corps sous des tonnes de préceptes et de lois physiques ou gouvernementales visant plus à maintenir à l’état larvaire la capacité de dépassement contenue dans chaque homme que de prévenir médicalement d’hypothétiques « morts longues et douloureuses ». Vivre dans tout et pas seulement dans l’excès ! L’excès peut se faire prison aussi bien qu’il permet d’exploser les cloisons… Alors oui, vivre excessivement ! Vivre physiquement, mentalement, spirituellement, sexuellement excessif ! Il ne s’agit pas de refuser quoique se soit ! Tout le contraire, il s’agit d’apporter une réponse démesurée à toutes les questions d’allures mesurées. Contrecarrer la méchanceté, le manque des jours en les abreuvant de pensées, de désirs, de volontés extrêmes. Pensées, désirs, volontés lacrymogènes, sul-furieuses, entières à ce point qu'elles remplissent les secondes d'instant d'éternité ! et souffrir pour connaître la joie… Voilà une démarche dangereuse, précisément… Voilà la véritable aventure, l'ultime révolution… Repousser dans leurs extrémités même, les narco-pensées qui stagnent dans le milieu convenu des orthodoxies subversives. Eventrer les ventres ronds des pensées grasses et molles et flasques. Verser de la poudre brûlante dans l'âtre satisfait, dans le bocal raisonnable où s'agitent, en caracolant, de pâles copies inconscientes. C’est vrai, oui, plusieurs y sont restés fous, à jamais ailleurs, dans leur obsession de vouloir cartographier les cratères et les corniches de l’âme… Et en cela sans doute, ont-ils échoués. Mais sommes-nous bien vivant lorsque nous ne risquons rien ? Boire, marcher, nager, parler, fumer, manger, partir, revenir, sentir, pouvoir, abolir, retenir, punir, souffrir, agir, bondir, sortir, jaillir, rebondir, assaillir, s’enorgueillir, ressentir, découvrir, contenir, laisser grandir… Boire en marchant ; nager, parlant fumer ; manger les « partir » ; revenir sentant pouvoir abolir ; retenir, punir en souffrant, en agissant, bondissant en sorties jaillissantes ; rebondir en assaillant les orgueils ressentis ; découvrir, contenir tous les « laissés-grandir » !… Voilà ! La vie vaut par son intensité, pas par sa longueur, hein M’sieur Magre ! Il faut savoir conjuguer Bon Dieu !
Tyrannie de l'argent, vestiges rénovés, agrandis, parfumés, roses, du pétainisme nostalgique des Français ! Eh oui, le Maréchal a gagné et bien gagné… Le brave homme était trop en avance sur son temps ! En 45, y l’ont pas compris ! C’est aujourd’hui qu’il gagne ! Lettres de cachet avec accusé de réception, pour les gêneurs qui osent se coucher après 22h00. Utilisation des lexiques législatifs grandiloquent par de fallacieux proxénètes de la rhétorique qui jettent sur le trottoir les plus vieilles reliques de leur bordel verbal : « Amour », « Liberté », « Courage »… Tolérance ? Mot tiroir qui en dit long sur l'ambiguïté morbide que notre époque lui donne. Tolérance envers ce monde-ci? Tolérance envers ça? La tolérance m'est devenue étrangère depuis que le regard des autres s'imprègne de mépris à la vision de ma fantastique rage de conquérir, qui est mon état normal. Ressentiment terrible capable de venir à bout de bien des volontés. Devrai-je m’exiler, baisser la tête et admonester mes instincts pour tant d'impudeur? Les accuser publiquement d'hérésie à la Raison et à la norme-alitée? « Haro sur le Baudet ! » Voilà ! Magnifique ! Que les médiocres se rassurent quand à leur propre insuffisance et qu'ils continuent à jeter leur gravier inodore dans le dos de ceux qui "sortent du rang" et qui les indisposent précisément parce que c’est leur reflet brisé d’enfant mort à la guerre du bien-être qu'ils lapident petitement, incapable même dans la haine d'une quelconque grandeur…
Voilà où mène ces illogismes à la vie et à la tolérance… Moi qui me sait être unique, qui en ait conscience, je suis attaqué, injurié en permanence par cette race humaine, par ces millions de fidèles, de « membres », de redevables (Ah !) qui se frappent le poitrail, d’un même geste, en psalmodiant la même ritournelle mensongère, le même hymne grégaire à l'amour de l'aliénation, en costard, casquette, kippa, turban ou toge, aucune différence ! Devrai-je attaquer l’humanité entière, comme elle m’accuse tous les jours de vouloir être plus que cette moyenne funeste ?! »


A suivre...

29 juillet 2007

Ebulltions ou la démesure du réel - Part 3 - Par Charles Letellier

« […] Peut-être que j’irai en Inde ; peut-être en Russie. Peut-être que le Tibet m’ouvrira ses portes et que je galoperai dans les steppes mongoles en hurlant de toutes mes tripes que j’aime à en crever et que je suis en vie. »

Où avait-il lu ces lignes ? Plus moyen de remettre la pensée dessus… Pourtant, c’était bien quelque chose de familier. Il l’avait déjà entendu. Il se rappelait d’une drôle de voix, féroce, au timbre scabreux, à l’accent troublé d’une singulière violence. Où ? Plus il cherchait un lieu moins son instinct lui assurait que c’en était un effectivement. Il en fut surpris, légèrement dérouté. Etonnant, sa mémoire ne le trahissait guère d’habitude. Il pouvait retenir des phrases entières, sans se forcer. Et pas que les phrases d'ailleurs : l’odeur de l’endroit où il se trouvait, les vêtements de la personne, le ton, la couleur, le toucher… Mais la nuit dernière avait été trop ténébreuse, trop lubrifiée, trop parfaite de décomposition. Il essayait de revenir pour se convaincre que peut-être il l’avait rêvé, cette nuit... Pas évident de mettre de l’ordre là-dedans… Déjà tellement de têtes et de regards… « Merde ! pensa-t-il » Il pénétra dans un bistrot en laissant là ces images. Trop infréquentables en vérité. C’était comme de débarquer à nu dans un grand cirque avec les yeux de la terre entière braqués sur son braquemart grandissant dû à l’excitation de se trouver là, comme ça, exposé au vent et à la poussière… On ne peut pas revenir comme ça dans un chaos. Fallait d’l’aide… Il ordonna un Picon bien noir sans sucre. Puis se mit à l'œuvre. Cigarette. Légère grimace. Il décoche un carnet rouge. Stylo doré. Stylet de pointe affable et un peu rouillé. Transpiration de la main. Lenteur enrageante de celle-ci. Inquiétudes. Démesure. Retour. Réflexion. Attributs à relever. Grattage diagonal. Pose. Rire. Froncement de sourcil. Pose. Longue tirade silencieuse. Deuxième Picon. Rien à dire de plus. Tiens, pas si sûr. Retour. Début encore. Poursuivre la route des éclats de vers. Rire mesquin et souterrain. Agacement pour cet autre, là, qui vient de rentrer. Ignorance de tout. On repart au degré zéro de la tolérance pour ne plus le quitter. C’est un flot. Non, une muraille, un gouffre, une fournaise, un brasier, un feu intestin venant de la digestion du chaos en lui. Juste ce qu’il faut. Merde. Folie d’essayer ça. Mais bon. Faut y aller. Pas le choix. Cogne du poing sur ce foutu bar. Désosse ce fumier. Prends-toi la gueule par les cheveux. Quoi ? Oui, évidemment un troisième ! Merde. Flottement. Risque de perte. Perte… Perdu… Ah, non, finalement, c’est encore là… Déjà, il transpirait. Ses aisselles étaient trempées. Il sentait une goutte se prélasser lentement dans le bas de son dos. Il s’essuyait les mains sur son pantalon mais ça revenait tout le temps. Rien à faire… Il faisait 2 degrés dehors et il avait chaud. Il avait diablement chaud. Trop chaud. C’était pas tolérable d’avoir chaud à ce point. C’était pas permis… Ça aurait dû être interdit… Il ironisa en pensant que cela serait bientôt le cas… Il relut ses mots. « … j’invoque les râpes. Tout ce qui coupe… » Encore du ventre à l’œuvre. Il fallait que ça cogne. Plus. Encore. Pas de répit. Tordre. Eponger. Mordre. Bouffer. Sexes diluviens. Fleuve bourru. Exercice en corniche. Mers assass…
De nouveau, il était en selle. Parjurant le mièvre en son intérieur, il agrippa le bar et le secoua. Il se sentait tellurique, roche volcanique projetée à plusieurs centaines de kilomètres-heures dans le ciel mort de l'humanité contemporaine. Il aurait bien provoqué des séismes s'il en avait eu le pouvoir comme dans cette réclame télévisuelle… Aussitôt, il se moqua de la facilité avec laquelle il appelait ce genre de métaphores commerciales. Toutes ces connaissances inutiles que la mémoire dans son indépendance impérieuse ne daignait pas effacer. « Merde ! A quoi tu penses putain ? S’agit pas de déconner là ! Mais bon, ça aussi ça en fait parti. Tout ! Y a rien à jeter, même ce qui pue, surtout ce qui pue, le plus abjecte comme le plus… »
Il secoua la tête. Ça va vite. Très vite. Pas le temps de respirer. Du moment que ça sort, pas de soucis à se faire. Mais il faut que ça sorte. On s’en fait pas sur le moment. C’est juste après que c’est un peu délicat. L'instant qui suit le combat. Un terrain calme d'une intolérable sérénité. Dégagé des points d’appuis familiers. Rien que du calme dur. On affronte, alors, le néant, au risque de s’écrouler parfois, croyant buter contre ce mur qui n’existe plus. On se persuade que l’on a rêvé tout ça. Que ça n’a pas existé. Ça dure un jour, deux, trois… Puis, on recommence, vraiment ivre parfois, jusqu’à extinction partielle de l’incendie… Assez pour qu’on puisse dormir. Et on se dit que, finalement, c’est mieux ainsi, un peu de repos parfois. On voudrait en faire son credo, dire que ça y est, on est apaisé… Et puis, juste à temps, on se rend compte de sa bêtise… Ah oui, c’est elle la vraie foutaise, la vraie connerie… La paix de l’esprit... ? Il ne connaissait pas… Il lui était impossible de connaître. Il ne connaissait que la guerre implacable et constante qu'il se livrait à lui-même. « Observe un peu ce qu’elle produit, la paix ! » se dit-il, reluquant les fesses d’une blafarde de la télé accrochées en couverture d’un magazine, comme un étalage de boucherie. L'amollissement généralisé accélérait la chute finale de l'Effort en vertu de vie. Au détriment du déroutant et de l’infâme faim de l’insatisfait, s'installaient, en chape de plomb, les dogmes de la prudence et de la mesure. Il s’injuria pour agrandir sa colère jusqu'à la frontière de son corps. Il paya et poussa la porte, plongeant dans le froid, qu’il ne sentit même pas, trop occupé qu’il était à s’éventrer les sens.


A suivre...

Ebullitions ou la démesure du réel - Part 2 - Par Charles Letellier

Je choisis un mal pour un bien. Ou l’inverse. C’est la même chose. Je préfère encore ce qui est cruel à ce qui est mièvre. Non pas que le bien soit nécessairement fade et le mal forcément cruel, mais bien souvent, par un rapprochement difficile à admettre, ce qui est cruel est plus proche de la vérité que ce qui est simplement « bien ». Lieu commun à rappeler à la gueule de cette saleté d’époque puante, dans laquelle il nous est forcé de vivre, nous qui les derniers (?) nous acharnons à vivre au dessus de ces petites contingences qui forment, tout autant qu’elles déforment le quotidien… Par delà… Oui, par delà ces bons sentiments mesurables à leur fausseté, définissables par leur repoussante et dégoûtante facilité, de laquelle ils puissent leur source. Ma source est autre. Elle bouillonne trop pour être admise. Elle est trop chaude pour être commune. Je sais vivre déjà trop éloigné de ce qui est admis pour utiliser le langage de la norme-alitée. Il paraît que j’ai des mots durs, qu’ils blessent autour de moi comme des coups de couteau. Certains ne tardent pas à pleurer lorsque j’ai fini de m’exprimer. D’autres veulent ma peau. J’ai même le privilège d’être haïs, haute distinction pour celui qui combat la merdiocrité, encore que rares sont ceux dont la répugnance m’honore. On juge un homme à ses fréquentations et à la qualité de ses ennemis. Je dois dire que si on s’astreignait à ne me juger que d’après mes opposants, je serai un bien piètre baladin.
Ai-je été trop loin, définitivement trop loin ? Lâché comme un fou dans le flux invisible qui enrubanne les choses, suis-je, par mégarde, resté perché sur la branche que j’avais déjà commencé à scier ? Je me suis coupé de bien des choses afin d’en trouver d’autres, plus vraies, plus féroces, plus violentes dans leur véritensité. J’en ai oublié mon travail, ma famille, ma patrie. C’est très regrettable… Délaissant tout pour le vrai travail, celui des montagnes Russes entre bas-fonds puants et sommets étourdissants, j’ai refusé de reconnaître le sens du mensonge pour arracher aux autres leur propre naïveté, pour qu’ils me confient le gamin de leur être plutôt que l’adulte de leur misère. Ici je veux parler de moi, ou plutôt, en finir avec moi une bonne fois pour toutes. Celui-ci, ce moi, devient par trop ingérable et intolérable, il en veut trop et plus chaque jour et je ne sais où cela me mènera si demain il réclame mon cœur et ma tête sur un plateau. Cette vieille histoire de l’écrivain qui n’écrit que sur lui-même n’a plus court, on sait désormais que c’est lui-même qu’il écrit. Lui-même… Du moins, l’écho du monde en lui dont il est le réceptacle unique, si il sait l’être. Cet intenable chantage du corps et de la tête qui jamais ne cesse et dans lequel il n’est rien d’autre à faire que de tenter de nager sans se noyer. Parce qu’à vrai dire, vouloir faire autre chose, c’est déjà se lancer dans la fiction. C’est éviter la confrontation ultime. Et donc passer à côté de la vérité. La fiction ne m’intéresse pas. Du moins, pas pour l’instant, que je suis encore tout disponible à refuser le mensonge. (Qui sait, pour un peu d’argent… ?) Mais voilà que je recommence à suffoquer alors je me défroque comme il se doit, selon les règles, les principes fondateurs: la main droite sur l’Antéchrist et la gauche sur l’estomac. Il est temps de l’essentiel. Plus le temps de rire, l’heure est grave. S’il reste un truc à gratter au-dedans de ce monticule profond qu’est le corps, il ne faut pas hésiter, il faut y plonger, quitte à revenir en deux fois, voir à ne pas revenir du tout. C’est lui qui a le secret, le corps. C’est pas dans les bouquins, le secret. C’est dans la chiasse. Dans la vomissure aux commissures des lèvres. Dans le ragoût fluvial des égouts de miel, ce nid sous le roc, au fond, au bout, tout au bout… Guidé par une vision cramoisie à l’odeur de roussi, je me pose, un peu perplexe, en funambule… Mais je m’égare… On peut en faire de la poésie, tant qu’on veut. Ça va rien changer finalement. On croit que ça peut ventiler les tertres, démolir les flanelles tombales et puis, et puis… Et puis, y a toujours ce moment précis où on s’y trouve, justement, sur le tertre, armé à plein poumon, le cœur dans ses mots et boum ! ça valdingue dans l’autre sens, ça retombe sur les dents sur un bord de trottoir. Et après, il faut bien se relever quand même ! Faut bien y retourner ! Faut de nouveau être furieux ! Faut tout refaire ou presque parce qu’on n’était pas prêt là-haut, pas encore de la bonne humeur… alors y a rien qui est resté… Retour à la case départ. Pas le choix. C’est un jeu. Un jeu de tortionnaire, peut-être le plus terrible et le plus silencieux de la Terre puisqu’aussi bien, il n’y a que les cellules qui trinquent… Bon, c’est vrai, y en a qui surmonte… Et les mots, après, pour raconter, pour dire, pour incarner, ces mots ne sont plus les mêmes, ils ont un regard malin qui vous observe presque sournoisement, c’est plus la même histoire, plus le même chevrotement dans le style. En fait, y a même plus de chevrotement. Ça sait directement, sans preuve et sans hésiter, cela devient corporellement spirituel ou spirituellement physique. Les deux bouts se rejoignent. Nul ne sait la qualité du cataclysme à venir. Mais voilà, moi, qui me sacrifie purement et totalement, j’ai pas encore « gagné » mon aller-retour, avec ou sans retour, corps-esprit. Pour l’instant, j’en sais foutrement rien. Pour l’instant, je ne suis qu’un instinct, une intuition physique, une entité râpeuse, un esprit chamboulversant. Peut-être un peu Quichotte et pas encore assez Don. Qu’importe j’y vais à l’aveuglette puisqu’il s’agit bien d’illuminer. Alors, voilà, on est parti, partie, tout, ensemble, démesuré, incalculable, même pas machinale, ni décimale. Suivons le court trajet qui mène imperceptiblement d’ici à là, tout près du fauteuil de la chambre, de la vieille dame dans le métro, assis sur un banc, avec ces maudits pigeons, entre une morve verdâtre et un chêne centenaire. Tout près et partout à la fois. C’est une boucle qui tend à s’ouvrir. On se dit que la rodomontade est un bien piètre artifice, que je ne manque pas d’air, que je ne suis qu’un petit con, un enfant gâté, un petit minable, tient, mettons ! Enfin, rien de bien précis, rien qui puisse déjouer ma passion de savoir de l’intérieur. Qu’on se le dise : j’m’en fous pas mal et surtout des pisses-secs au vit rabougrit et au con sec comme cette putain de vallée de la mort ! Car pour ce qui est de donner, rassurez-vous, j’ai besoin des conseils de personne et surtout pas des plus rats parmi vous, les plus promptes, le plus avides de montrer leur grand cœur au passant, les « amis » qui ne supportent pas votre soif et qui tentent de vous assécher… Je n’ai plus d’amis ! Je n’en veux plus ! Vous m’entendez ? JE N’EN VEUX PLUS ! J’suis passé pas loin, des fois, d’en crever, à force d’aimer. Alors, j’me la raconte plus, l’histoire, assez ! J’me la fait ! Tout entière ! Un peu trop, pas assez… C’est à voir… Et puis, tant pis ! Si ça ne marche pas cette fois-ci, on verra bien pour celle d’après… En tout cas, c’est ici que ça redémarre. Pour de bon.


A suivre...

18 juillet 2007

Ebullitions en feuilleton

Ci-dessous, vous trouverez le début d'Ebullition, texte d'une cinquantaine de pages, écrit fin 2006 et qui n'a jamais été publié. Je vous propose de le lire en feuilleton, à raison d'une demi-douzaine de pages par semaine. Les commentaires intelligents, construits, corrosifs ou ironiques sont les bienvenus. Tous les autres non. Bonne lecture.

17 juillet 2007

Ebullitions ou la démesure du réel - Part 1 - Incipit. Par Charles Letellier

Donc, nous voilà lancés. Partis. À deux cents à l’heure, le temps avance presque au ralenti. Sacré paradoxe… Ultime paradoxe ! Les règles sont simples : ne rien dire d’autre que la vérité. Non, pas toute la vérité. Mais la vie. L’extirper. La tirer. L’appeler de toutes les forces en présence, toutes les failles par lesquelles elle pourrait se glisser. Maudire les ruches, applaudir les funambules. Aimer, jusqu’à en devenir taré, les désordres structuraux. Donner des morceaux de cœur, les jeter aux quatre vents, comme on nourrit des fauves. Pas grand chose, finalement. C’est plus une tentation à l’inquiétante idée de se gorger de tout. Les cinq sens exacerbés, même pas alertes, en branle-bas magmatique. Comme des petits picots sensoriels à chaque nanomètre de peau. Disons aussi, un rythme, une cadence, une musique. Non pas suggérer, non ! Affirmer, plutôt. Affirmer fermement les affairements du forage, obnubilé par la sensation de toutes les directions. Oui, c’est cela, un rythme médusé de lui-même, effréné comme un verre qui cogne le sol. Un étourdissant chantonnement pour donner aux sourdes mélodies tout le loisir d’abreuver de notes ces noces gargantuesques célébrées au pied d’un banian géant… Oui, il s’agit bien de cela, d’un mariage. D’un mariage de sang noir et de fulgurance. Ou, mettons, d’une ré-union. Union de nouveau après trop d’exils meurtriers. Il en serait temps. Grand temps. Ça presse, ça urge, ça cogne… Faut bien faire quelque chose. Alors oui, extirper la vie de sa moelle, lui faire dire toutes ses furieuses beautés, ses éclairs souterrains qui forgent les sommets. Sacrée partie de déplaisirs en vérité. Tout par-delà… Les peines, les tracas, indicibles petites souffrances ; les joies, les plaisirs ; gigantesques rumeurs aux accents en guenille… On n’esbroufe point le monde de ses sommets, y a vraiment que la route empruntée qui compte. Tout ça n’est qu’un début, un « truc » qui s’amoncelle, qui déborde, qui gigote comme dans une marmite écaillée ; un « truc » qui ne stagne jamais, qui bouillonne trop pour être autre chose que vrai… Véritablement, qu’est-ce que c’est ? J’emploie tous les lexiques du débordement, les teste, les approuve mais n’en trouve que rarement le sens. « Un truc qui gigote », qu’est-ce que c’est, à la fin ? La création, la folie qui y pousse – qui y pousse comme dans un abîme –, les marches citadines forcées, les démons aux mains sales, le sel sur la langue, le langage brut et brutal, les mots partouzant à l’orée de mon cortex et de ma peau comme des métastases filantes, filant l’apocalypse en même temps que la vérité… Ces chemins détournés desquels adviennent les vérités… Dire tout cela ? … Quelle effronterie à la gueule de la pudeur ! Pas très grave… Je m’en fous même. Je vais faire mon histoire géologique, expliquer la formation de mon sommet. Dire tout dans le détail.
On ne se rend pas bien compte de la platitude originelle de l’Himalaya, avant même qu’il n’aille se pendre aux cirrocumulus et se gaver d’éther.
Oui, donc, nous voilà enfin lancés. Partis. Et ce n’est pas d’une course dont il est question mais bien d’une frousse jugulant les symptômes réfractaires à l’éclosion des jours… Des légions de symptômes, des lèpres à diffusion évasées, des morceaux de chairs en couperet qui frisent les larmes à force d’être aussi saignants. Un peu d’attention, ces choses impalpables qui parfois empêchent, parfois provoquent. Ce n’est pas un paravent magnétique, c’est gluant, ça colle, ça suinte…
Allez-y approchez, mesdames et messieurs, venez voir la bête… Aujourd’hui débute la super foire de l’âme, de l’âme au rabais et, attention hein, de la véritable, de l’âme de guerrier, de la noble ! C’est la dernière offre aujourd’hui. L’offre totale, celle à perpétuité. Profitez-en ! Plus de changement possible. Plus moyen de reculer. Ça dure à vie. Pas besoin de revenir dans trois ans. Ah ! Sacré voyage… « Qu’elle est belle la recherche… » Allez y montrez-moi votre carte fidélité… Vous n’en avez pas ? Mais si, là, incrustée au bas du dos, pendante au bout des mains, générée dans les mollets, radieusement approuvée par le cubitus, battante dans la poitrine, délectable dans la bouche, sur la pointe des sens ! Alors vous voyez, vous faites partie de mon club, non ? Allons ne vous assassinez pas tout de suite, mon cher…
Alors oui, une frousse, parce qu’il faut bien en finir avec cette idée de ruche médiocratique quand celle-ci est trop foutrement fausse ! Et maudit soit-elle et son ton con-descendant suggérant de graves similitudes ! Il arrive que les mots parlent d’eux-mêmes. La détermination dont je parle n’est pas ruchée, elle « cherche des hommes » et sait se percer la dalle s’il faut rester digne… Même si, pour cela, il faut boire le pétrole de sa lanterne.
Avançons, amis, sur ces pentes grises et grisantes qui jalonnent, quand nous le daignons, nos étirements de rogomme. C’est sûr, nous douterons encore un peu, en parlant du feu. Mais n’est-ce pas parce que celui-ci nous chatouille trop les oreilles que nous sommes promptes à nous cramer les ailes ?
A suivre...

1 juillet 2007

L'agacement des insectes

Que l'humble cloporte qui sous-entendait, lors d'un commentaire anonyme cela va de soi, que "j'empruntais" à d'autre l'essence de nos soirées lectures, ose se montrer sous son vrai jour et étayer ses accusations avec plus de poid et de virulence que le rachitique vomi verbale dont il fit preuve ici. L'heure des lâches a sonné...

24 juin 2007

Lecture de Poésie ce 25 juin 2007 à la Plage.


Voici, un peu en retard..., l'affiche pour la soirée de demain.
La saison se termine et nous serons là pour le plaisir...
Venez nombreux, musique et Poèsie au rendez-vous...

17 juin 2007

Exercice de Visions


Tout ce que tu sais de ta vie, c’est qu’elle n’y habite plus.
- Tu as joué, tu as perdu.

- Là-dessus, tout le monde s’entend.
- Le problème, c’est une affaire de prisme. Tu l’as regardée partir, tu te rappelles la scène, mille lueurs l’inondaient, mais tu ne distinguais pas leurs sources. Ca se complique.

Suite à découvrir dans le format papier d'ANANDA disponible sur demande ici...

Journal de bord de Lillo

J'ai peur. Il y a cinq mois, une autre comme moi, mais très vieille, m'a fait naître: elle a soufflé pendant quelques minutes, … soufflé fort sur moi. Ainsi, depuis cinq mois, petite particule installée dans ce corps silencieux, j'avance, perdue, à travers lui… Continuellement, je dois subir la présence de l'hémoglobine et des différents organes : je sens bien qu'ils me détestent ! J'avance et attends de rencontrer un de ces lymphocytes T4, « nos seules et uniques victimes » m'a-t-on dit. La force s'acquiert dans le devenir. Si jeune, la petite particule que je suis aimerait même l'aider plutôt que de le détruire ce corps.

Aujourd'hui, ce corps m'a pleuré son identité. De cette personne, j'entends la voix. Elle s'appelle Corie. Je le sais puisqu'elle a relu à voix haute des lettres reçues d’un ami. Une d'il y a quinze ans commençait ainsi:

«
Le 24 janvier 1980,
Corie, écoute-moi, Corie! Je te vois samedi mais lis mes quelques lignes de ce soir. Poursuivons notre tour du monde livresque et épistolaire de l’année 1979. J’entre dans la nuit après avoir lu un livre sur les Kerguelen et je conduis pour toi ma main écrivant sur les traces de mon lointain voyage. Je veux être l’intermédiaire de ce portrait de paysage austral et français. Connais-tu cet archipel - baptisé les îles de la Désolation? […]
»

Nathalie Rousset
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Premier départ

[…] Il s'installa au bar et entreprit d'écrire. Il écrivit vite, sans rature, sans se relire, sûr de lui-même, sûr que ce qu'il griffait-là venait de son noyau le plus vrai, le moins touché par l'extérieur, le moins influencé par les lectures, les avis, les doutes et les reproches. L'être brut de ce qui le composait. La nature mystérieuse de ses désirs d'ailleurs s'offrait ainsi à la feuille de son carnet noir après tant d'âpres combats. Il récoltait les phrases qu'avaient semées ses actes. Il tournait les pages rapidement, passant de l'une à l'autre sans hésiter, presque sans réfléchir… "On ne demande pas qui donne, on prend et c'est tout." Il continua ainsi, fumant abondamment, haletant comme une bête en pleine course. Il était la Bête de Somme aux velléités d'Aigle. Il se parlait à lui-même, oscillait de la main comme le chef d'orchestre tendu de ses émotions. Il contemplait les étourdissements faits mots qui déboulaient en hordes désorganisées, furieuses, prêtes à tout pour parvenir au Sens, même à le détruire lui et tout ce qu'il ne représentait pas encore. Il prit conscience du danger immense que représentait sa recherche du Sens, comme on prend conscience de la mort au moment où la balle pénètre l'ossature du crâne. Il vit tout ça en une demi-fraction de seconde qui dura l'éternité de la vérité qu'il venait de sentir. Il la ressentit dans son corps, comme un électrochoc sur le velours rouge de sa jeunesse. Il avait vu la Chose. Dès lors, sa quête prit l'allure d'un forage du corps, d'un dévoilement du Sens, sans pitié, plus que la recherche d'une maîtrise quelconque.

Charles Letellier
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Sur la neige

La nappe blanche s’est emparée du paysage. Des traces de pas s’entremêlent, empreintes d’un passé récent. La neige achève de les estomper. J’ai le sentiment de les avoir rêvées. Autour de moi les flocons forment une symphonie, s’agencent splendidement à la nature déboisée. Tout semble maintenant se cristalliser, comme s’il ne fallait qu’une légère secousse pour casser cette fragilité. La lumière est franche.

Je poursuis mon chemin malgré l’onglée qui me crispe les doigts. J’aimerais aller le plus loin possible, jusqu’au bout de ma fatigue ; tenir, jusqu’à l’épuisement. On n’aura plus qu’à me recueillir inanimé, sans explications.
Sur le bas-côté de la route, un gitan sort de sa roulotte, le visage tuméfié, une large cicatrice sur le front, les vêtements légers malgré le froid. Il fait semblant de ne pas me remarquer. J’ai le sentiment étrange d’appartenir à son monde. Sur son visage on sent les graves périls qu’il a traversés : esprit exilé d’un autre monde qui vient errer dans celui-ci. L’étonnante route qui m’a conduit jusqu’ici ! Il m’a fallu quitter le monde pour me retrouver enfin face à moi-même. Connaître par cette rencontre mes désordres intérieurs, et apprendre à les apprivoiser. Par les liens de l’esprit, j’appartiens aux déracinés, gitans sans famille ni attaches, ni possession ni logement. Je sens se déployer leur histoire au plus profond de moi. Leurs chants nocturnes me bouleversent au suprême ; ces chants tourbillonnants, beaux et graves, qui me révèlent au-delà de ce que je puis être.


David Falkowicz
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14 juin 2007

Textes

Les extraits de textes du dernier numéro seront bientôt disponible... En peu de patience...

Sortie du nouveau numéro d'Ananda. Edito.




Le pas du funambule


Au sommaire de ce troisième numéro d'ANANDA, "le monde comme représentation". Rien que ça… Mais oui, parfaitement. D'aucuns prétendent qu'il y faut de la thèse pour aborder ces questions. Et un doctorat es excès pour évoquer la vie, ça vous va? "Le monde comme représentation", il n'y a qu'à se pencher, dans le corps, pour y trouver les pistes salutaires, pour y cartographier l'étendue viscérale de nos propres errances. Errances étendues d'un monde dont la représentation tente de s'achever. "Le début du monde finit commence" écrivait Valéry, il y près de 80 années. Au pas de charge, la Planète Auschwitz se met en place. Et le pas du funambule, aérien, par-delà les contingences et partisan de personne, méprise le filet s'il doit risquer sa vie. Et accomplir en silence le travail de la défiance…

Alors, voilà le programme: l'errance silencieuse d'une panthère noire sur la neige, les exercices de discernement d'un feu affolant, la routine meurtrière d'une cellule innocente et l'évasion d'un fou d'authenticité où la quête du Sens passe par la confrontation au monde. Autant de textes entrecoupés du souffle de deux nouvelles plumes dans la précision de la poésie.

L'écho des mots se fait dans le miroir des désordres du monde. Ils sont peut-être la réponse du Sens au Non-Sens nauséabonde qui règne ici et là, entre les Nouveaux Prophètes qui ont tout vu et tout compris et les autres dont on est sûr que ce n'est pas le cas.

Extase immobile et silencieuse, volonté d'extraction de la vérité, l'urgence de percer le mur de nos représentations devient vitale. Et tout est bon pour rejoindre l'autre côté, quelque soit la profondeur du gouffre et la minceur du fil. C'est là-bas…Le meilleur moyen est encore de s'y rendre à cloche-pied, la raison titubante…
On y va?


Charles Letellier,
Mai 2007.

22 mai 2007

Totale Régression (deuxième partie)

Avant toutes choses, chers amis, je vous invite ici à découvrir les membres qui composent, à titre posthume (mais tous ne sont pas morts), le gouvernement idéal, forme souveraine de la quintessence de l'esprit humain en proie au temps, et que mon ami Falkowicz vient de mettre au point. D'ailleurs que cela puisse se vérifier à chaque époque ne fait aucun doute: on a les gouvernants qu'on mérite; c'est dire la médiocrité (infâme), le dégoût de soi et l'inculture (profonde) qui règnent parmi toutes les populations autant que sur les 15 salopards récemment promus aux différents portefeuilles ministériels qui souillent la capitale de leur ombre corrompue.
Desproges, le Grand Desproges, disait : "les imbéciles ont le droit de vote, c'est pas compliqué, y a qu'à voir le résultat..."
Le retour en masse de la Peur (j'en parlais l'autre jour) et de la bondieuserie néolibérale selon laquelle il est préférable de perdre-sa-vie-à-la-gagner plutôt que de devenir un Homme libre et éduqué dans le souffle brûlant de la pensée et du monde et ainsi de s'élever vers une dignité dont la qualité ne va certes pas de paire avec l'intensité, c'est deux leitmotivs (Peur et Travail) donc, marquent le début d'une furieuse période de répression de l'Inutilité et du Désintéressement. La rêverie, la sieste, une certaine douceur de vivre entre un chêne centenaire, un étang et la fille du boulanger, les journées lascives où la pluie détient les clefs de la jouissance seront désormais considérées comme des activités supplémentaires devant être justifiables par rapport au temps totale passé hors du travail. Activités non productrices (même si elles peuvent conduire à la reproduction) s'il en est, la tranquillité du corps et la méditation de l'esprit ne pourront plus octroyer à l'homme les valeurs sacrées de la Démesure et de la Lucidité.

Et à force d'exiger que la sécurité, la prudence et l'odieuse panoplie du bon travailleur soient les principaux oripeaux de sa société, le citoyen-citoyenne s'enferme, au fur et à mesure, dans la nasse puante où son esprit, rendu déjà gravement léthargique par excès de démocratie et d'hamburgers tièdes, ne fera que continuer de se défaire en une lente défécation de ses sens dans les chiotards tous propres de son bonheur appris.
A travers le refus des repères qui placèrent la société en mesure de se libérer d'une partie des dogmes que la horde était jusque là parvenue à maintenir, par la mise en avant d'une pensée toujours plus simple dans la brutalité de ses oublis et la grossièreté de sa communication, l'abrutissement va désormais devenir général et les mots – toujours en première ligne – s'apprêtent, une fois de plus, à subir le rapt que les malandrins de la politique vont lancer contre leur Sens – L'assaut va être terrible. Et il faudra toute leur fureur, leur lucidité et leur style, à ceux qui n'entendent pas se laisser et participer à la déconfiture salée qui pénètre tout. Ce n'est pas la première fois qu'une telle attaque est portée contre les mots – Loin de là – et toujours, il s'est trouvé des êtres forts pour organiser la résistance. C'EST Là NOTRE TRAVAIL! Notre double travail: quotidien, dans la rue, avec nos proches et nos moins proches et dans l'orientation extrême de notre exigence face à la bêtise et l'ignorance, ces pestes qui n'ont même pas le pouvoir de tuer.

L'époque est à l'extrême pointe Nord de la médiocrité. Une telle médiocrité peut allégrement s'empresser de mentir à son sujet en feignant de n'être que la manifestation suprême de la force de la raison et de la démocratie, son allié bande-mou.
L'époque est à la plus extrême pointe Nord de la médiocrité, l'étoile du berger pour des nations vautrées sur elles-mêmes avec, ici et là, les inquiétants rougeoiements des volcans indépendants et furieux qui forment la présente cartographie de ce qu'il y a de plus terrestre en l'homme: la démesure.
L'époque est à l'extrême pointe Nord de la médiocrité et se considère comme supérieure du fait du perfectionnement indéniable de ses gadgets qui, d'ores et déjà, constituent l'horizon indépassable de son aura intellectuel et spirituel.

A l'inverse de ce flasque extrême qui brille avec toute l'intensité d'une diode, j'oppose la force brûlante du centre – épicentre s'entend – qui fulmine de tout son corps à rendre incandescent ce qu'on lui apprit tiède. Les complaintes visqueuses, les atermoiements morveux aussi bien que les réclamations bâtardes et commerçantes à l'attaque du marché aux voix sont bien peu de choses face à la ténacité aigüe et silencieuse, à la descente intracorporelle et au souffle constant de l'émotion de savoir être unique et lucide, gravement. Pareil que la frivolité! Dans une époque tout entière dédiée à la légèreté et à l'amusement – au jeu – nul joyeux désespoir, nulle fulgurance légère dans l'œil triste d'un Clown, au pied de l'échelle, nulle férocité du Verbe afin de désacraliser les angoisses mortelles car, au reste, est-ce qu'elle se gêne, la Mort, Elle, pour se rire de nous? (Desproges) La légèreté de notre époque est nimbée d'une bêtise sans pareil, dénuée de tout sens, exsangue des répétitions de l'histoire. Et, de même que la "victoire" de la raison ensanglante la planète entière, le lourd règne de la légèreté plonge les cœurs au fond de l'abîme creuse de la pure gravité, qui n'a, encore une fois, même pas le talent d'être profondément grave.

Je voudrais conclure sur une note plus légère mais j'avoue y trouver quelques difficultés car la régression est totale qui nous mena jusqu'ici.
La seule chose qui me fait poursuivre et qui me fera poursuivre encore longtemps, la seule fureur salvatrice qui maintient l'ébullition constante dans mon cortex est de savoir qu'il m'est donné de vivre l'époque la plus immensément fascinante, la plus terriblement dure qui soit donnée à vivre à une âme remplit d'émotion et d'amour. Et c'est ça que j'aime plus que tout. Que se soit dur. L'honneur et la fierté personnelle n'en sont que plus revigorés, l'orgueil plus fort, plus serein, la santé et la force vitale plus grandes. C'est ça que j'aime! Car au plus profond, dans l'âtre tellurique des épicentres dangereux réside la certitude profonde que seule l'impitoyable guerre que l'on se livre, et dont l'écriture est une preuve, nous permet d'être en vie et d'arracher à celle-ci les forces de la changer pour de bon.


C. Letellier
Le 21 mai 2007

15 mai 2007

Totale régression (Première partie)

(suite à l'article publié sur le Blog Espinossa)

Bel armement (verbal) de gauche, ca change un peu de l'outrecuidance grossière des vainqueurs de droite. Le Verbe tue mais où est la pensée de Gauche? Nulle part entre le vide de ses trahisions et ses maintes manquements d'union. Qui a dit qu'on était naturellement de droite et culturellement de gauche? Il n'y a qu'à regarder les enfants qui, naturellement, sont xénophobes, racistes, égoïstes, et ne comprennent que l'autorité, la moindre faiblesse étant exploité jusqu'à ce que mort s'en suive... Et les grands enfants de la République, terrorisés de l'avenir et de ce qu'on leur en dit sur TF1 et consorts, ont voté le parti de la peur.

Car un peuple qui a peur est prêt à n'importe quoi: se jeter par la fenêtre alors que, certes, l'immeuble en feu, ou abdiquer de grandes parcelles de liberté, ce qui signifie que son quotidien s'avance vers une claustrophobie de lui-même. Les seules vraies libertés sont quotidiennes. Qu'ai-je à faire des promesses fumantes sur un soi-disant avenir meilleur. Rien à foutre des lendemains qui chantent et des grands soirs qui swingent mais rien à foutre également du paradis économique sur Terre et de la "liberté" de travailler plus... Rien! Au quotidien la liberté! Maintenant la liberté! Moins de libertés au quotidien signifie vivre dans l'exaltation chrétienne d'un au-delà meilleur, d'un après bien plus préférable à celui-ci qui est mauvais, désagréable, et difficile; cela signifie vivre dans l'attente d'une amélioration, d'un mieux en fin de vie après avoir travailler plus pour mourir plus vieux, on aura repoussé l'ennui et l'indiscible terreur de se retrouver face à soi-même. On aura gagné de l'argent, des écrans plats, des belles voitures mais on aura vécu comme n'importe quel animal depuis que l'homme en est un. La régression est presque totale. Retour en force de la religion, de la Force (militaire et policière) et du travail. Oui, le régression est presque totale car, de même, que rien ne vînt remplacer ce Dieu Mort-ouf!-pas-trop-tôt, rien n'est venu appuyer les prémisses du travail entamé par Mai 68. Comme peu de penseurs ont sus reprendre et continuer l'invective de Nietzsche déclarant la personne de Dieu comme nulle et non avenue.

Attendons-nous bientôt à des attaques en règles sur les acquis sociaux de 36, eh, pourquoi pas? La gauche n'est-elle pas composée exclusivement de parias, de dégénérés (qui font de l'art du même acabit cela va de soi), d'intellos pantouflard gorgés de pastis et enfumés de gitane, de pd sensibles et de femmes lubriques, de fainéants tous plus ou moins emmigrés, de bouffons prônant l'égalité des droits devant l'autel de la justice qui vient d'envoyer au gnouf deux non-récidivistes, jeteurs de canettes en colère, pour quatre mois de réjouissance en salle d'eau. Oui, la régression est totale et on peut certainement s'attendre à ce que l'homme de Neuilly face tout ce qu'il y a en son pouvoir (maintenant fortement étendu) pour y rester le plus longtemps possible et rendre dégénéré ce qui n'était qu'endormi. Ce qu'il y a de plus dangereux dans la peur, plus qu'elle-même, et comme n'importe qu'elle drogue, est qu'elle rend terriblement accros ceux qui y sombrent.

23 avril 2007

Edito - Le pas du Funambule

Le pas du funambule


Au sommaire de ce troisième numéro d'ANANDA, "le monde comme représentation". Rien que ça… Mais oui, parfaitement. D'aucuns prétendent qu'il y faut de la thèse pour aborder ces questions. Et un doctorat es excès pour évoquer la vie, ça vous va? "Le monde comme représentation", il n'y a qu'à se pencher, dans le corps, pour y trouver les pistes salutaires, pour y cartographier l'étendue viscérale de nos propres errances. Errances étendues d'un monde dont la représentation tente de s'achever. "Le début du monde finit commence" écrivait Valéry, il y près de 80 années. Au pas de charge, la Planète Auschwitz se met en place. Et le pas du funambule, aérien, par-delà les contingences et partisan de personne, méprise le filet s'il doit risquer sa vie. Et accomplir en silence le travail de la défiance…

Alors, voilà le programme: l'errance silencieuse d'une panthère noire sur la neige, les exercices de discernement d'un feu affolant, la routine meurtrière d'une cellule innocente et l'évasion d'un fou d'authenticité où la quête du Sens passe par la confrontation au monde. Autant de textes entrecoupés du souffle de deux nouvelles plumes dans la précision de la poésie.

L'écho des mots se fait dans le miroir des désordres du monde. Ils sont peut-être la réponse du Sens au Non-Sens nauséabonde qui règne ici et là, entre les Nouveaux Prophètes qui ont tout vu et tout compris et les autres dont on est sûr que ce n'est pas le cas.

Extase immobile et silencieuse, volonté d'extraction de la vérité, l'urgence de percer le mur de nos représentations devient vitale. Et tout est bon pour rejoindre l'autre côté, quelque soit la profondeur du gouffre et la minceur du fil. C'est là-bas…Le meilleur moyen est encore de s'y rendre à cloche-pied, la raison titubante…
On y va?

Charles Letellier,
Mars 2007.

L'Ananda 3ième du nom arrive...


Bientôt, bientôt, bientôt...
Nous travaillons dur, très dur, pour vous donner bientôt un nouveau numéro de la revue ANANDA toujours reliée à la main, avec des nouveaux textes, des nouvelles plumes, des illustrations originales, et une mise en page toujours plus imagée.
En attendant, voici déjà la couverture ainsi que l'édito...
Vous pouvez dors et déjà réservez votre numéro en m'envoyant un mail à letelliercharles@hotmail.fr
Vous pouvez aussi vous y abonnez et participer à cette aventure qui a débutée il y a plus d'un an déjà... Et qui continuera tant que nous tiendrons debout!

Le Désert Sans Détour! 29/04/2007



Voici l'affiche définitive du Désert Sans Détour!

Venez nombreux!

15 avril 2007

Mister Eugénisme is watching you

Le Nouvel Obs. titre cette semaine : "De quelle tribu êtes-vous?". Je réponds vite, un brin d'agacement dans la voix : "D'aucune!". Je suis de la mienne propre. Je ne me revendique de personne et ne supporte pas être pris en exemple ou monté en épingle. Et si je me reconnais des liens fraternels avec quelques uns dont les combats honorent l'esprit, leur vie m'est étrangère. N'y a de "commun" que le Souffle multiple d'une même vérité.
Si la mode est aujourd'hui à la grégarité de salon, au groupe éthique, la Salut – c'est-à-dire la libération de la conscience, nul autre "Salut" pour l'homme – viendra et ne pourra venir que des êtres insoumis au-delà de toute prise de partie, partisânerie, par-delà l'encartage de règle en matière de politique, chose qui à tendance à réveiller en moi des visions de bétail marqué au fer rouge. L'intolérable mascarade jouée tous les jours dans la presse et les médias par les Prétendants-Sauveurs-Electibles-de-la-France se pare aujourd'hui d'une couleur bien particulière : la prédestination génétique, la force ou la défaillance génétique, la raison du plus fort – raison naturelle – poussée à l'extrême.
Depuis les discours où Hitler enflammait les foules désabusées de l'Allemagne de l'entre-deux guerre en fustigeant la physionomie défaillante des juifs, défaillante de manière "inné", s'entend, génétiquement, de l'intérieure, dés la naissance, malade d'un judaïsme infâme, qu'il fallait à tout prix éradiquer pour que l'espèce avance, depuis ces temps charmant donc, personne, je crois, n'avait ramené le débat politique pour l'élection présidentielle si clairement proche d'une pensée de la horde, d'une logique animale : éliminer les faibles pour avancer plus vite, gagner d'autre territoire, faire plus de réserves, de profit, d'argent, avoir un pouvoir toujours plus étendu.
A entendre l'homme le mieux placé dans les sondages – qui prolifèrent tous les jours comme les mauvaises herbes sur le bord du périph' – c'est-à-dire celui qui a le plus de chance de devenir bientôt président de la République, la pédophilie serait contenue dans les gènes, dés la naissance. Ainsi donc, il y aurait un gène de la pédophilie comme il y a un gène du genre, de la couleur des yeux etc. Que penser, dés lors, des spermatozoïdes? Doivent-ils être incriminés, eux aussi? Et l'ovule avait-elle un alibi? A partir de là, méfiez-vous si votre gosse vous fait un câlin ou un bisou ou les deux, il a sûrement une idée derrière la tête. On ne sait jamais, avec les gènes.
Il est évident que si la possibilité s'offrait à nous d'éradiquer les pratiques incestueuses en procédant à l'ablation de tel ou tel glande, ou en appuyant sur tel gène pour le brider et épargner à des millions d'enfants dans le monde l'humiliation et la sourde douleur qui en découle, nous le ferions. Bien sûr, éradiquer ce bas-instinct de l'homme ne serait pas gratuit et je suis prêt à parier qu'il ne serait pas le seul. Avec lui viendrait l'instinct de domination, la barbarie, la violence et tout ce qui s'en suit. Monsieur S. ne serait donc plus qu'un artefact étrange et gesticulant dans le gène de la bouse.
Seulement, les gènes n'ont rien à voir là-dedans. Absolument rien. Nier ça, c'est nier qu'il puisse exister autre chose sorti de la prédestination génétique à laquelle nous convie Monsieur S. Et cela en dit long sur la façon dont le pauvre avatar de Bonaparte pense la vie, la politique et son rapport aux autres. Conditionnés génétiquement à être bon, mauvais, féroce, doux, méchants, gentil, grand, petit… Aucune autre alternative n'étend possible en dehors du schéma de notre A.D.N. Pas de place pour l'improbabilité, le fortuit, les rencontres, les mélanges, les prises de consciences, les changements soudain, en bref, la vie elle-même, telle qu'elle s'est créée. Et telle qu'elle EST. L'avait-elle prévu dans son Code, la vie, ce politicard grimaud dont l'haleine renvoie les fétides relents d'un Nazisme primaire? Etait-ce écrit dés le Big Bang que Monsieur S. devienne à ce point le symbole nouveau du ressentiment et de la haine de soi qu'il ne prenne même plus la peine de masquer ses idées les plus extrêmes et les plus dangereuses sur le monde? Est-ce dans ses gènes, cette âpreté, ce totalitarisme de la horde? Oui sans doute. Et c'est bien la seule dont on soit sûr. Dans son grand livre – Exterminez toutes ces brutes! – Sven Lindquist retrace l'histoire sanglante qui s'écartèle des premières colonies à Auschwitz. Il démontre (magistralement) qu'il n'y a, au fond, aucune surprise dans le fait qu'Auschwitz prenne pied en plein cœur de l'Europe. Car, dit-il, ce qui s'est passé dans les colonies – Maghreb, Congo etc. – n'est en rien différent de l'abomination Nazi. Sauf, et c'est sûrement ce qui nous choque le plus, que les juif sont des blancs, et non des indigènes dont quelques dizaines d'années auparavant, l'Europe entière se poser encore la question de l'existence de leur âme… La barbarie est dans le cœur de l'homme, au plus profond, c'est chose admise. Mais la propension au suicide? La pédophilie? L'homosexualité? La drogue? Et demain : L'aptitude à travailler quinze heures par jour pour gagner moins, de moins en moins, l'obligation de se taire, d'arrêter de penser, de lire, de boire, de baiser, d'aimer... Car la société que nous propose Monsieur S., dans l'extrême absolu, est celle-ci. Penser, lire etc. vont devenir des déviances, des freins au travail efficace et propre qu'exigera le consortium d'entreprise qui dirigera la planète d'ici à quelques années. La génétique pour l'"amélioration de l'espèce" mise au service de la plus terriblement raisonnable des raisons. Cela ne vous rappelle rien? Gardons bien les deux yeux ouverts car le retour à la barbarie ultra-raisonnée n'est jamais bien loin et il y a même des fois où je me dis qu'il est inévitable.

Pets de mouche

Que le doux imbécile, dénommé "Nico", persuadé que votre serviteur frime avec sa névrose, joue les gros durs avec sa souffrance et s'empresse d'être malheureux pour être à la mode. Je somme, donc, cette Humble Crotte, dont la critique de mon texte contre le bonheur a dores et déjà surpassé en vitesse, en briéveté et en puissance intellectuelle le dernier pet que la mouche nommée Stirmer a déposé suite au tract anarchiste (pas de moi et qui date de 1890, je le rappelle) de m'envoyer un texte (si par hasard il sait écrire ce dont il est permis de douter mais qui est contre un peu de charité?) dans lequel il signifiera de manière forte, concise et fulgurante la sensation de Joie Pure à opposer à la douleur extrême, l'un n'allant évidemment pas sans l'autre. Avec comme idée de départ : Comment peut-on envisager l'idée de joie sans savoir impliquer celle de la douleur?
Je finirai brièvement en ajoutant que rien ne se crée dans la mièvrerie du "bonheur à tout prix" que semble rechercher ce non-fameux, ou plutôt, cet infâmeux "Nico". La vie et la pensée menaient de manière extra-lucide procurent un instinct de la Vérité qui induit nécessairement un renoncement au bonheur facile et congénitale dont la société regorge. Dans le même temps qu'elles procurent une qualité de joie inédite et viscéralement étrangère à tous les imbéciles qui sont contre "la souffrance" parce qu'ils n'y voient au fond qu'une auto-complaisance narcissique quand il faudrait y voir une nécessité ontologique, couplée avec une probité intellectuelle telle qu'elle oblige à connaître les sommets au même titre que les caves... Mais voici sans doute des nuances qui exigent un travail trop complex au regard du commentaire de "Nico"... Pas grave, la route est longue, camarade...

9 avril 2007

Le Désert Sans Détour! 29/04/2007



L'Association Vers De Rage est (très) fière de vous présenter le Désert Sans Détour de Mohammed Dib en représentation unique et indispensable 29 AVRIL 2007 sur Terre et à la Manufacture Des Abbesses, 7 rue Véron Paris XVIIIième.
Réservations multiples et (toujours) indispensables
: 01 43 75 10 52

8 avril 2007

Contre le bonheur.

J'ai l'impression d'être enchaîné comme un lézard équeuté au soleil moribond et flasque du bonheur. L'aventure de la vie s'arrête là où commence le règne maudit du bonheur. L'aventure de la vie ne se consumme plus dans l'âtre tiède où s'excerce la quotidienneté. Le bonheur est la sécheresse de l'artiste, sa famine abdominale, son impuissance à bander les cordes de l'existence pour en faire les flèches de la création. Où sont les folles musiques d'autrefois où les verres cassés faisaient l'aubaine de mon sommier; où sont les guirlandes de rouge qui ,dans les rues, célébraient chaque jour ma nouvelle année?
Où sont les cons visqueux, superbes, imberbes, les sourires de pleine lune, les départs pour la vigne, les routes de l'infortune magnifique?
Où est la folie des mots?
J'ai l'impression d'être à ce point dedans que je ne parviens plus à la distinguer. Retrouver tout ça? Non! De l'avant! D'autre chaîne encore sont à rompre. Le sous-marin sera mon navire de grand large dans l'océan de tranquillité, dans la faillite des sens, dans le mensonge du bonheur. Je hais le bonheur, il suce mon sang bouillant pour en faire la piètre soupe d'un dîner affable.
Il gargarise l'instinct grégaire combattu depuis des années pour lui redonner un brillant qu'il n'aurait jamais dû retrouver.
Il sermonne la déviance de la pensée en exaltant la tendresse domestique.
Il fustige la démesure des actes en rendant minime la moindre allusion à la beauté invisible des choses, contenue dans tout.
Il saborde enfin l'éruption de la méchanceté pour y délester ses lourd fardeaux de gentillesse joyeuse.
En ce qui me concerne, c'est le bien qui me corrompt et non l'inverse.
Ce sont ces affreuses manifestations de la mièvrerie parvenant sournoisement à évincer jusqu'à toute trace de rêverie. Cela se manifeste aussi dans l'honneur que l'on met - La morale! - à tenir un engagement, à ne pas plier, à être vrai. Il y a bien des moments où, cette sincérité de l'être, j'aimerai la clouer sur le poteau superbe de la rage Suprême, de la rage Ultime, en guise de cadeau, de sacrifice, au Côté Noir de l'âme, celui que je connais le moins, par rapport à la propagande outrancière faite depuis toujours à l' "élévation morale". Fi! de l'élévation morale, je veux me rouler dans la boue de ce que j'ai en moi de plus sombre, de plus dur, de plus cruel, de plus inadmissiblement bas, animal, en contrepoint à ce qu'il y a de plus haut, jusqu'à écoeurement total.
Le Mal reste cette terre inconnue dont aucun de ses héraults n'a d'écho aujourd'hui, fourmillante d'un trésaillement furieux, jamais exploré parfaitement. Où donc est l'Abbé Pierre de Lucifer? L'Abbé Silex? L'Abbé Liqueux? L'Abbé Stiaire? Et pourquoi pas : L'Abbête? La bête, le Monstre, non pas du Diable - finalement trop proche de Dieu - mais d'autre chose, d'outre-chose. Un Gille de Rais de la Morale aussi éclairé qu'un César et avec la même amplitude qu'un Napoléon de la pensée?
Il n'y a que ceux qui sont allés suffisamment loin dans l'une ou l'autre de ces directions qui sont capables d'exploser les barrières de nuances dont se sont parés le "bon" et le "mauvais" esprit.

Comment aimer sans haïr?
Comment haïr sans aimer?

Dualité oiseuse...